Le quotidien Le Monde publie aujourd'hui un portrait de Cyrille Rossant, président d'Adikia, dans le supplément Sciences & Médecine. L'article est également disponible en ligne pour les abonnés au Monde.
Extraits
Confrontés à la maladie de leur enfant ou d’un parent, certains scientifiques réorientent complètement leur carrière, pour tenter de faire avancer la science dans le domaine qui touche leur proche. Après le problème de son fils, lui a endossé une casquette de plus. Depuis six ans, en parallèle de ses activités de chercheur en neurosciences et ingénieur des données, Cyrille Rossant s’est investi dans le syndrome du bébé secoué (SBS). Une thématique épineuse, car touchant à la maltraitance, dans laquelle il met toute sa rigueur et sa ténacité. Son objectif : démontrer que les données scientifiques sur lesquelles s’appuient les diagnostics de SBS – de plus en plus systématiques devant certaines lésions cérébrales du nourrisson – ne sont pas si fiables, et que d’autres causes médicales sont occultées.
L'article retrace brièvement la carrière scientifique de Cyrille Rossant :
Dès ses 7 ans, ce fils de médecins (père pédiatre et expert judiciaire, mère généraliste) basés
à Nice commençait à programmer sur l’ordinateur familial, en autodidacte. Il passe le bac à 16 ans,
intègre l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, à Paris, filière mathématiques, en 2005.
Il s'oriente ensuite vers le domaine des mathématiques et informatiques appliquées aux neurosciences :
Le chercheur français publie dans de grandes revues de neurosciences, y compris en premier auteur.
On découvre même qu’il a signé, en 2017, un papier dans Nature avec John O’Keefe, prix Nobel de
médecine 2014 pour ses découvertes sur les GPS du cerveau, les cellules de lieu.
C'est après un diagnostic douteux posé sur son fils en 2016 (l'assistante maternelle étant poursuivie avant d'être mise hors de cause au bout de quatre ans) que Cyrille Rossant s'est penché sur le syndrome du bébé secoué, « pour comprendre ce qui [était] arrivé à son fils ».
En lisant les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) sur le SBS, « des dizaines de fois », puis des publications internationales, il est surpris par le ton « catégorique voire arrogant » des spécialistes, et surtout par les erreurs qu’il décèle dans des études, dans des domaines qu’il connaît bien, telles les statistiques. (...)
Pour démêler le « sac de nœuds », il décide d’éplucher toute la littérature, téléchargeant 500 articles (il en est aujourd’hui à plus de 3 000). Jusqu’au déclic. « Je me suis demandé si tout cela ne serait pas compatible avec un énorme malentendu, des hypothèses nées dans les années 1970 qui, au fil du temps, se seraient transformées en certitudes, entraînant une dérive des diagnostics. » Le chercheur est d’autant plus ébranlé qu’en faisant la connaissance d’autres familles touchées il constate que « les expertises judiciaires, signées par les spécialistes qui publient en France, sont elles aussi catégoriques mais peu étayées, balayant d’autres causes médicales pourtant soutenues par des données scientifiques ».
(...) Son patron, Kenneth Harris, l’a toujours soutenu. « Je ne connaissais rien de cette controverse avant que Cyrille n’y soit confronté. Mais je sais qu’il a les capacités scientifiques et la détermination nécessaires pour corriger ce qui semble être une injustice majeure », souligne-t-il. C’est aussi la conviction de pouvoir faire bouger les lignes qui a convaincu Leila Schneps de s’investir fortement aux côtés de Cyrille Rossant, quand il a sollicité cette mathématicienne, coautrice d’un livre, Les Maths au tribunal (Seuil, 2015), qui raconte comment des erreurs de calcul conduisent à des erreurs judiciaires. « On se comprend à demi-mot, et, sur le SBS, c’est une vraie encyclopédie, assure-t-elle. Quand je cherche une information que je pense avoir lue dans un article, Cyrille m’envoie la référence immédiatement, en surlignant le passage en question. »
Aujourd'hui, avec l'association Adikia qui regroupe des centaines de familles, Cyrille Rossant souhaite faire « bouger les lignes ».
Régulièrement, l’association, son avocat et les médecins qui témoignent en leur faveur dans des procès font face à des accusations violentes de « dénialisme », voire de « complotisme ». Les experts historiques du SBS, dont certains ont participé aux recommandations de la HAS leur reprochent un manque de légitimité sur le sujet. Un argument d’autorité qui laisse de marbre Cyrille Rossant. « C’est la science qui doit guider, insiste-t-il. Je ne suis pas médecin, mais le SBS, ce n’est pas que de la médecine, c’est aussi de la biomécanique, des statistiques… » En 2019, l’association et son conseil avaient demandé à la HAS d’abroger ses recommandations. La requête était montée jusqu’au Conseil d’Etat, sans succès. Aujourd’hui, Cyrille Rossant souhaite qu’Adikia soit reconnue comme interlocutrice des pouvoirs publics, et participe au groupe de travail de la HAS qui va actualiser ses directives.