Des radiologues ont récemment publié dans Pediatric Radiology une revue sur le syndrome du bébé secoué et sur le traumatisme crânien intentionnel [1]. Cet article a reçu le soutien de plusieurs sociétés et associations radiologiques et pédiatriques internationales :
- Académie Américaine de Pédiatrie
- Société Américaine Professionnelle contre la Maltraitance Infantile
- Société Américaine de Neuroradiologie Pédiatrique
- Société Européenne de Neuroradiologie
- Société Européenne de Radiologie Pédiatrique
- Société Pédiatrique Japonaise
- Association Pédiatrique Norvégienne
- Société de Radiologie Pédiatrique
- Société Pédiatrique Suédoise
Notons qu'il n'y a aucune société médicale française.
Un éditorial paru dans le même numéro de Pediatric Radiology [2] donne des informations très intéressantes sur les recommandations internationales de bonnes pratiques en ce qui concerne le diagnostic du syndrome du bébé secoué. Nous proposons ici quelques traductions d'extraits de cet éditorial.
Il se trouve en effet que ces recommandations, qui font « consensus » selon les propres termes de toutes ces sociétés radiologiques, vont directement à l'encontre des pratiques françaises. Cela pourrait peut-être expliquer pourquoi aucune société médicale française et aucun médecin français ne figure parmi les signataires de cet article.
De grandes incertitudes demeurent sur le syndrome du bébé secoué
Ces sociétés savantes insistent sur toutes les incertitudes qui entourent le syndrome du bébé secoué et le traumatisme crânien intentionnel. Après un demi-siècle de recherches, il reste énormément d'inconnues sur ce syndrome, sur les lésions associées, sur les diagnostics différentiels, et sur les méthodes diagnostiques.
Il y a énormément de choses que nous ne savons pas sur le traumatisme crânien intentionnel. Des études sont nécessaires pour mieux comprendre sa physiopathologie. Pourquoi certains enfants ont des traumatismes crâniens mortels accompagnés de fractures caractéristiques, d'autres ont des traumatismes crâniens mortels sans fractures, et d'autres ont des fractures caractéristiques et pas de traumatisme crânien ? Quelle est la physiopathologie de l'encéphalopathie hypoxique-ischémique ? Quels rôles jouent les lésions au tronc cérébral, à la moelle spinale cervicale, aux nerfs crâniens et aux ganglions spinaux supérieurs ? Quelles sont les conséquences à long terme des traumatismes crâniens intentionnels non-mortels ? Est-ce que le syndrome du bébé secoué cause une encéphalopathie traumatique chronique ? Comment augmente-t-on notre certitude dans le diagnostic lorsque la maltraitance est présente et lorsqu'elle ne l'est pas ? Comment pouvons-nous mieux différencier le traumatisme crânien intentionnel de ses diagnostics différentiels ?
La recherche sur la maltraitance infantile est difficile. Des études futures sont nécessaires pour minimiser le raisonnement circulaire réel ou perçu. Les données doivent être présentées avec les précautions d'usage en ce qui concerne leurs limitations, qui doivent être explicitées.
Dans ces conditions, est-il normal que les autorités médicales françaises affirment la certitude à 100% d'un diagnostic basé sur la seule présence de deux ou trois signes spécifiques ?
Un critère français rejeté par la communauté médicale internationale
Les auteurs de l'article insistent lourdement sur le fait que l'on ne peut jamais diagnostiquer une maltraitance sur la seule découverte inexpliquée d'un hématome sous-dural et d'hémorragies rétiniennes chez un nourrisson.
Le diagnostic du traumatisme crânien intentionnel chez l'enfant n'est pas basé uniquement sur la découverte d'un hématome sous-dural, d'une encéphalopathie hypoxique-ischémique, et d'hémorragies rétiniennes ; cela n'a jamais été le cas. Le diagnostic du traumatisme crânien intentionnel est basé sur des investigations médicales, médico-légales et sociales méticuleuses qui comprennent l'exclusion des diagnostics alternatifs, des maladies sous-jacentes éventuelles, et d'un possible traumatisme accidentel. (...)
Or, en France, la réalité est l'exact inverse de ce discours !
Le critère rejeté ici par ces auteurs étrangers est précisément le critère systématiquement enseigné et utilisé en France depuis longtemps.
Un diagnostic sur lequel on ne revient pas
L'éditorial insiste aussi sur le fait qu'il est possible pour des médecins de faire des erreurs diagnostiques lorsque des maladies rares et non une maltraitance ont causé les symptômes chez un bébé.
Les professionnels médicaux responsables et réputés font extrêmement attention avant de poser le diagnostic de traumatisme crânien intentionnel, et ils prennent garde à ne pas faire d'erreur diagnostique en confondant une autre cause avec un traumatisme crânien intentionnel. Les diagnostics différentiels appropriés sont toujours considérés. Fréquemment, et probablement dans la majorité des cas, un diagnostic de traumatisme crânien intentionnel est exclu ou reste incertain du fait d'un manque d'éléments corroborants. Des cas valides d'erreurs diagnostiques de traumatisme crânien intentionnel avec une preuve fiable d'un autre diagnostic sont extrêmement rares.
Encore une fois, c'est exactement l'inverse de ce qui se passe en France.
Le petit Luqman a été placé pendant 17 mois, ses parents seront finalement mis hors de cause au bout de deux ans, alors que les médecins savaient depuis le début qu'il souffrait d'un grave trouble de la coagulation.
Virginie a été poursuivie pendant trois ans, et tous les experts ont affirmé la certitude du diagnostic de maltraitance, alors même que la maladie génétique de l'enfant était avérée par une analyse ADN. Elle a finalement été innocentée par un juge qui a donné tort à tous ces experts.
Des dizaines de bébés de notre association sont atteints d'hydrocéphalie externe et sont malgré tout diagnostiqués « bébés secoués ».
Pourquoi notre pays est-il autant en retard ?
[Bibtex]