Patrick D. Barnes, un professeur émérite de neuroradiologie pédiatrique qui a fait sa carrière à l'Université de Stanford, vient de publier un texte dans Bloomberg Law sur le cas de Robert Roberson, en passe d'être exécuté au Texas après une condamnation douteuse.
Le droit doit suivre l'évolution de la science dans les cas de syndrome du bébé secoué
Patrick Barnes
Centre Médical de l'Université de Stanford
Bloomberg Law
21 septembre 2023
Patrick Barnes, professeur émérite de l'université de Stanford, demande à la Cour suprême d'intervenir en faveur de Robert Roberson, condamné à mort au Texas sur la base de preuves du syndrome du bébé secoué (SBS) que Barnes et d'autres ont démenties.
En 1997, j'ai été témoin médical expert pour l'accusation dans l'affaire très médiatisée de Louise Woodward, une nounou britannique poursuivie pour avoir prétendument causé la mort d'un bébé dont elle avait la charge en le secouant violemment. Pour de nombreux Américains, c'était la première fois qu'ils entendaient parler du syndrome du bébé secoué. Mme Woodward a été condamnée pour meurtre au second degré sur la base de l'hypothèse du SBS. Sur la base de mes propres recherches ultérieures et de l'évolution significative des connaissances scientifiques, je ne ferais aujourd'hui plus le même témoignage.
Au cours des deux dernières décennies, de nouvelles recherches concernant les lésions intracérébrales pédiatriques ont montré que de nombreuses maladies peuvent causer les mêmes signes que ceux jusqu'alors attribués exclusivement au SBS. Mes propres recherches ont joué un rôle important dans l'évolution des notre compréhension sur le SBS.
Selon le Registre National des Exonérations, au moins 30 personnes ont passé des années ou des décennies en prison après des condamnations basées sur la théorie du SBS avant d'être mises hors de cause. Mais dans de nombreux cas, la loi n'a pas suivi l'évolution de la science.
Nous sommes de nombreux experts à avoir initialement soutenu l'hypothèse du SBS et à estimer que nous avons désormais le devoir de contribuer à l'annulation des condamnations fondées sur des hypothèses anciennes et erronées. Dans un cas, Robert Roberson, un père innocent, risque d'être exécuté au Texas pour un crime qui n'a jamais eu lieu.
C'est pourquoi, avec 15 autres médecins et scientifiques de renom, j'ai signé un amicus brief (mémoire à destination des juges) demandant à la Cour suprême des États-Unis de réexaminer ou d'annuler la condamnation de Roberson et la peine de mort à laquelle il a été condamné. La Cour Suprême examinera la requête de Roberson lors de sa conférence du 26 septembre.
En 2002, la fille de Roberson, Nikki, âgée de 2 ans et souffrant d'une maladie chronique, a eu une forte fièvre et une pneumonie non diagnostiquée ; elle a ensuite fait une petite chute du lit et Roberson l'a emmenée aux urgences.
Ignorant que Roberson était atteint d'autisme, le personnel de l'hôpital a jugé que sa réaction face à l'état désastreux de sa fille témoignait d'un sentiment de culpabilité. Les soupçons préliminaires d'un médecin concernant le SBS ont conduit à l'arrestation de Roberson pour meurtre avant même que l'autopsie de Nikki ne soit pratiquée. Il a été jugé bien avant que les preuves de pneumonie dans les tissus pulmonaires de Nikki ne soient identifiées.
Comme nous l'avons expliqué dans notre mémoire, lorsque Roberson a été jugé en 2003, les diagnostics de SBS étaient presque toujours basés sur la même triade de lésions observées chez Nikki : saignement intracrânien, oedème cérébral et hémorragies rétiniennes.
À moins que le parent ou la personne en charge de l'enfant ne puisse expliquer les lésions par un traumatisme majeur tel qu'un accident de voiture ou une chute d'un immeuble à plusieurs étages, le consensus médical était que cette triade ne pouvait que provenir d'un secouement suffisamment violent pour produire une sorte de "coup du lapin".
Lorsque l'affaire Roberson a été jugée, nous pensions également que l'enfant deviendrait immédiatement inconscient après avoir subi ces blessures. Par conséquent, on a supposé que la personne qui se trouvait avec l'enfant au moment où elle a perdu connaissance avait dû lui faire du mal. Dans les cas fatals, la triade était acceptée comme une preuve de meurtre au-delà de tout doute raisonnable. La présomption médicale de maltraitance des enfants était si forte que les avocats de la défense, y compris celui de Roberson, ne contestaient pas la théorie du SBS à l'époque.
Depuis le procès de Roberson, mes recherches et celles d'autres personnes ont établi que la présence de la triade n'est pas une preuve présumée de maltraitance. Nous savons maintenant que de nombreuses maladies, comme la pneumonie de Nikki, des troubles médicaux et des accidents, y compris des chutes de courte durée comme celle de Nikki, peuvent provoquer la même constellation de symptômes.
Dans le cas de Nikki, la combinaison de sa pneumonie non diagnostiquée, des médicaments qui lui ont été prescrits et de sa chute accidentelle explique pleinement son état et son décès. Bien que les fondements du SBS aient été remis en cause, les parents et les assistantes maternelles qui ont été condamnés à tort restent en prison ou, dans le cas de Roberson, risquent même d'être exécutés.
A. Norman Guthkelch, neurochirurgien pédiatrique britannique dont l'article de 1971 a été le premier à poser l'hypothèse du SBS, a par la suite examiné un certain nombre de cas dans lesquels les accusés ont clamé leur innocence. Guthkelch a été frappé par la forte proportion de cas dans lesquels l'enfant avait des antécédents de maladie, ce qui indiquait que ses lésions étaient le résultat de causes naturelles et non de maltraitance. En 2015, peu avant sa mort, M. Guthkelch a déclaré au Washington Post : "Je ferai tout ce que je peux jusqu'à mon dernier souffle pour mettre un terme à une énorme injustice".
Au cours des deux dernières décennies, les tribunaux d'au moins 12 États, dont l'Alaska, le Nevada, la Caroline du Nord, l'Ohio et le Wisconsin, ont annulé les condamnations fondées sur le SBS ou rejeté les données scientifiques obsolètes.
Les tribunaux du Texas qui ont examiné l'affaire Roberson n'ont pas suivi cette tendance. Bien que le corps législatif du Texas ait adopté une loi autorisant les tribunaux à réexaminer des condamnations erronées fondées sur des preuves scientifiques fausses ou trompeuses, les tribunaux n'ont pas tenu compte, dans le cas de Roberson, de preuves scientifiques irréfutables montrant que les prémisses du SBS présentées au jury comme des "faits" scientifiques ont depuis lors été démenties. Les tribunaux ont également ignoré les preuves irréfutables que Nikki est décédée de causes naturelles et accidentelles.
Lorsque les juridictions inférieures refusent de tenir compte de l'état actuel de la science, la Cour suprême doit intervenir, en particulier lorsque la vie d'un homme innocent est en jeu.
L'affaire est Roberson v. Texas, US, No. 22-7546, (conférence prévue 9/26/23).
Cet article ne reflète pas nécessairement l'opinion de Bloomberg Industry Group, Inc, l'éditeur de Bloomberg Law et Bloomberg Tax, ou de ses propriétaires.
Informations sur l'auteur
Patrick D. Barnes est professeur émérite de radiologie pédiatrique et de neuroradiologie au Lucile Packard Children's Hospital du Stanford University Medical Center.