Nous proposons une traduction d'une section de l'ouvrage de l'avocat américain Randy Papetti « Le manque de fiabilité médico-légale du syndrome du bébé secoué » paru en 2018, sur le fait que le diagnostic du bébé secoué n'est pas un diagnostic médical traditionnel, mais plutôt un diagnostic étiologique qui nécessite une expertise généralement différente de celles des cliniciens pédiatriques.
Le syndrome du bébé secoué est posé en suivant la méthode de « l'étiologie différentielle »
par Randy Papetti,
dans "The Forensic Unreliability of Shaken Baby Syndrome", 2018.
Paragraphe. 5.3.3.3, page 277.
Les références bibliographiques complètes se trouvent dans l'ouvrage.
Le syndrome du bébé secoué n’est pas un diagnostic clinique au sens traditionnel du terme.
Ce n’est pas un avis médical sur la condition d’un patient (par exemple, le patient a la grippe).
Ce n’est pas non plus une opinion sur le fait qu’une pathologie donnée (par exemple, le virus de la grippe) est la cause d’un symptôme précis (par exemple, la fièvre).
La détermination du syndrome du bébé secoué est plutôt l’opinion d’un médecin sur les causes externes, ou l’étiologie, des observations médicales faites sur un enfant.
Déterminer l’étiologie externe des lésions ou des problèmes médicaux d’un patient n’est pas ce que les pédiatres, les radiologues, et les ophtalmologues font généralement1.
« Le capacité de diagnostiquer des pathologies médicales n’est pas du tout la même chose (…) que la capacité de déduire, délimiter, et décrire, de manière scientifiquement fiable, les causes de ces pathologies médicales. » [Wynacht vs Beckman Instruments, Inc.]
La distinction entre le procédé que suit un médecin pour aboutir à un diagnostic médical traditionnel (par exemple un diagnostic différentiel, typiquement fait pour établir un traitement) et la détermination d’une étiologie (par exemple, l’étiologie différentielle, souvent faite dans un contexte médico-légal), est importante sous Daubert [un cadre médico-légal aux États-Unis déterminant les conditions d’acceptabilité des témoignages d’experts].
« La méthode du diagnostic différentiel a une fiabilité intrinsèque ; ce n’est pas le cas de la méthode de l’étiologie différentielle. Cette conclusion ne veut pas dire que la méthode de l’étiologie différentielle n’a aucun mérite. Cela veut simplement dire que les tribunaux, lorsqu’ils se penchent sur des questions de fiabilité, devraient considérer les opinions basées sur le principe de l’étiologie différentielle avec plus de précautions. » [Bowers vs Norfolk S. Corp]
Ce procédé utilisé pour aboutir à une conclusion du syndrome du bébé secoué dans les cas basés sur la « triade » font intervenir une expertise que les pédiatres n’ont généralement pas.
Dans le contexte du syndrome du bébé secoué, personne ne remet en question l’expertise de l’ophtalmologue à visualiser les hémorragies rétiniennes, ou la capacité d’un neurologue à diagnostiquer des lésions cérébrales, ou le rôle du pédiatre à prodiguer des soins à un enfant.
Mais lorsque les ophtalmologues, les neurologues, et les pédiatres prétendent avoir une expertise pour témoigner que les hémorragies rétiniennes, les lésions cérébrales hypoxiques, et les hémorragies intracrâniennes dans un cas donné résultent de concepts biomécaniques complexes comme « l’accélération-décélération » ou les « forces rotationnelles », pour poser des diagnostics basés en partie sur la crédibilité des explications des parents et personnes en charge des enfants, et pour spéculer sur des scénarios potentiels, ils fournissent des opinions étiologiques.
Dans ces conditions, il y a un risque important qu’ils souffrent de biais cognitifs2, qu’ils s’expriment en dehors de leur domaine d’expertise, et lorsqu’ils le font, c’est principalement dans un contexte pénal et relié à la protection de l’enfance.
- « Les experts, généralement des médecins, tentent de déterminer une cause unique à travers ce que les tribunaux appellent « la méthode de l’étiologie différentielle ». L’étiologie différentielle, cependant, “est une procédure développée spécifiquement pour les tribunaux”. Cela ne fait pas partie de la formation médicale. Cela ne fait pas partie de la pratique normale des médecins. » (…)↩
- Dans ce contexte, les biais cognitifs « se réfèrent aux manières par lesquelles les perceptions et les jugements humains sont influencés par des facteurs autres que ceux pertinents pour la décision à prendre. Ils comprennent :
- le « biais contextuel » où les individus sont influencés par des informations contextuelles non pertinentes ;
- « le biais de confirmation » où des individus interprètent des informations, ou considèrent des nouvelles preuves, d’une manière qui se conforme à leurs opinions pré-existantes ;
- et « l’évitement de la dissonance cognitive », où les individus sont peu amènes à accepter des nouvelles informations qui ne sont pas compatibles avec leurs croyances. » [PCAST, rapport du comité scientifique de la présidence américaine] ↩