Aux États-Unis, une association de familles victimes de diagnostics médicaux infondés de maltraitance sur leur enfant, le Family Justice Resource Center, travaille depuis plusieurs années pour améliorer la législation sur le sujet. Nous proposons une traduction d'une proposition de loi qui est sur le point d'être examinée dans l'Illinois. Il est à noter que le système de protection infantile qui y est décrit est en grande partie, mais en partie seulement, transposable à la France.
La loi SB 376 vise à protéger les familles vulnérables contre l'injustice
Le Family Justice Resource Center a proposé le Protecting Innocent Families Act (loi sur la protection des familles innocentes). Parrainé par Kimberly Lightford, chef de file de la majorité au Sénat de l'Illinois, le projet de loi SB 376 (anciennement SB 2246) vise à établir des garanties pour assurer une prise de décision objective et éliminer les conflits d'intérêts lors des examens médicaux de personnes soupçonnées d'être victimes de maltraitance infantile.
Les soutiens de cette proposition de loi sont le Family Justice Resource Center, le Shriver Center on Poverty Law, le Bureau du défenseur public du comté de Cook, Ascend Justice, Legal Action Chicago et le Center for Integrity in Forensic Sciences.
Lorsque des parents emmènent leur enfant chez un médecin ou à l'hôpital, ils supposent naturellement qu'ils recevront des soins médicaux de haute qualité qui prendront en compte tous les diagnostics possibles.
Toutefois, lorsqu'un enfant présente des signes ou symptômes spécifiques, tels que des ecchymoses inexpliquées, des fractures, des crises d'épilepsie ou un retard de croissance, un pédiatre spécialisé en maltraitance infantile [en anglais child abuse pediatrician, ou CAP] est souvent sollicité afin qu'il apporte une opinion médico-légale qui servira à la fois à évaluer et à poursuivre les parents pour maltraitance.
Les pédiatres se présentent souvent aux parents comme des membres de l'équipe soignante qui sont là pour répondre à leurs questions.
En réalité, ces médecins sont des médecins légistes (et non des soignants) qui sont sous contrat avec l'État pour communiquer leurs conclusions aux services sociaux, aux forces de l'ordre et aux procureurs, et même pour témoigner contre la famille au tribunal.
Lorsque l'un de ces pédiatres affirme qu'un enfant a été maltraité, cette conclusion - même si elle s'avère incorrecte - peut changer radicalement le cours du traitement de l'enfant, traumatiser les familles et leurs proches, conduire à des poursuites pénales injustifiées et à des séparations de familles, et entraîner des frais d'avocats insurmontables pour les familles. Les parents d'enfants atteints de maladies rares et les familles de couleur sont particulièrement exposés à cette injustice au sein du système de protection de l'enfance.
Les parents d'enfants atteints de maladies rares sont vulnérables
Selon la National Organization for Rare Disorders [Organisation nationale des maladies rares], 25 millions de personnes aux États-Unis souffrent d'une maladie rare, soit un Américain sur dix, ce qui équivaut à la prévalence du diabète de type 2.
En moyenne, un patient souffre d'une maladie rare pendant cinq à dix ans avant d'obtenir un diagnostic, période pendant laquelle les enfants présentent souvent des symptômes autrement inexpliqués, notamment des ecchymoses, une fragilité osseuse, une fragilité vasculaire, un retard de croissance, des crises d'épilepsie, des retards de développement et bien d'autres. Chacun de ces symptômes déclenche régulièrement des enquêtes pour maltraitance, ce qui peut retarder considérablement le diagnostic et le traitement, et entraîner une séparation traumatisante pour la famille.
Les familles de couleur sont ciblées de manière disproportionnée
Les familles de couleur sont beaucoup plus susceptibles de faire l'objet d'allégations injustifiées. Il est choquant de constater que 53 % des familles noires du pays font l'objet d'une enquête de la part des services de protection de l'enfance au moins une fois.
Dans le seul comté de Cook, 68 % des enfants pris en charge par les services sociaux sont noirs, contre 23 % dans la population générale. En outre, lorsque le système intervient contre des familles noires, les données du dossier révèlent qu'elles font l'objet d'accusations plus graves et de séparations plus longues que les autres familles, même lorsque l'allégation s'avère finalement fausse.
Le projet de loi SB 376 protège les enfants contre la maltraitance
Les mesures proposées par ce projet de loi permettront d'accroître l'efficacité des enquêtes et de mieux protéger les enfants victimes de maltraitance.
Lorsque des ressources importantes sont consacrées à la poursuite d'allégations erronées, les enquêteurs sont moins en mesure d'agir rapidement dans les cas légitimes.
Un nouveau rapport de l'inspecteur général des services sociaux montre que 171 enfants faisant l'objet d'un suivi social sont morts l'année dernière, ce qui représente une augmentation de 40 % par rapport à l'année précédente.
L'objectif de ce projet de loi n'est pas seulement d'empêcher les fausses accusations de maltraitance, mais aussi de s'assurer que les ressources précieuses de l'État sont réservées à leur véritable objectif, qui est de protéger les enfants contre la maltraitance.
Propositions
Les pratiques actuelles sont néfastes pour les parents innocents. Le projet de loi SB 376 vise à protéger les droits constitutionnels des parents en :
- exigeant que les pédiatres spécialisés en maltraitance qui ont des contrats avec les procureurs et les services sociaux se présentent aux familles comme des médecins légistes, et non comme des soignants ;
- autorisant les familles à demander un deuxième avis médical à des spécialistes indépendants et en obligeant les services sociaux à prendre ces avis en compte ;
- exigeant des services sociaux qu'ils communiquent des données et des statistiques démographiques sur les résultats des enquêtes pour maltraitance initiées par les pédiatres spécialisés en maltraitance et leurs équipes, afin de garantir la légitimité des investigations et de responsabiliser ces médecins dans leurs pratiques.