Un neurochirurgien français, auteur régulier de publications sur le syndrome du bébé secoué, a vu l'un de ses articles rétracté pour des manquements éthiques, révèle le quotidien Le Monde dans son édition datée du mercredi 19 avril 2023.
Selon le rédacteur en chef de la revue, Child's Nervous System :
Contrairement à ce qui est indiqué dans l’article, les auteurs n’ont pas été en mesure de fournir des documents confirmant que l’étude avait été approuvée sur le plan éthique. Le Bureau du CPP Nord Ouest IV a confirmé qu'ils n'avaient pas reçu de demande d'approbation éthique avant le début de l'étude. Matthieu Vinchon n'a pas dit explicitement s'il acceptait ou non la rétractation. Mélodie-Anne Karnoub, Nathalie Noulé et Marie-Emilie Lampin n'ont pas répondu aux demandes de sollicitations de l'éditeur et du journal à propos de cette rétractation.
Une rétractation inédite
C'est la première fois dans le monde qu'un article médical sur le syndrome du bébé secoué est rétracté, alors que plus de 4000 articles ont été publiés sur le sujet en cinquante ans.
En règle générale, les rétractations d'articles scientifiques sont très rares : moins de 0.1% des publications, alors qu'il y a près de 2 millions de nouvelles publications scientifiques chaque année dans le monde. Au-delà des manquements éthiques, les rétractations surviennent également en cas de manquements graves à l'intégrité scientifique, par exemple en cas de fraude, de manipulation, ou de falsification de données.
Selon Wikipédia, « un article scientifique rétracté est réputé nul et non avenu. Ses conclusions ne sont ni confirmées ni contredites: elles sont invalides et ne doivent plus être considérées ni par la communauté scientifique ni par les parties prenantes. »
L'article rétracté portait sur 350 cas de diagnostics du syndrome du bébé secoué posés au service de neurochirurgie pédiatrique du CHU de Lille entre 2001 et 2021. Les auteurs comparaient les cas avec et sans « aveux » de secouements, aveux dont la fiabilité scientifique est contestée.
L'article ainsi rétracté rejoint ainsi un certain nombre de publications invalidées par la communauté scientifique, comme celle du britannique Andrew Wakefield évoquant un lien entre des vaccinations et l'autisme.
Des manquements éthiques qui interrogent
Au-delà de la rétractation, cet événement interroge sur les pratiques dans le domaine. Comme le rappelle Le Monde :
Le SBS, cause de poursuites judiciaires, est au coeur des virulentes controverses. Les études de M. Vinchon et d’autres sont contestées par une partie de la communauté scientifique internationale, selon laquelle le diagnostic est porté avec des critères peu solides, conduisant à accuser à tort des parents ou des nourrices pour des lésions cérébrales relevant de causes naturelles.
C'est dans ce contexte que certaines pratiques sur le plan éthique, notamment concernant l'utilisation de données médicales sans l'information ou le consentement des familles des patients, posent question. Dans le cas de l'article rétracté, selon Le Monde, le comité avait « un doute sur l’utilité de cette étude et sur la viabilité de sa conclusion » et il n'était « pas favorable sur le plan éthique ». Il soulignait aussi des interrogations « quant à la pertinence éthique de ce protocole ». De plus :
M Vinchon « reconnaît qu’il n’avait pas jusque-là demandé d’autorisation pour ses recherches sur les dossiers de SBS. (…) Il n’a pas non plus cherché à informer les familles de l’utilisation des données médicales de leurs bébés. « Je suis de l’ancienne école », se défend-il.
Et Le Monde de s'interroger : « peut-on mener, pendant plus de vingt ans en France, des recherches à partir de dossiers médicaux sans autorisation réglementaire ni information des patients ? »