Cinq médecins et chercheurs, dont l'actuel président de l'association Adikia, viennent de publier un article scientifique dans la revue pédiatrique internationale à comité de lecture Acta Paediatrica (Zahl, S.M., Mack, J.A., Rossant, C., Squier, W. and Wester, K. (2021), Thrombosis is not a marker of bridging vein rupture in infants with alleged abusive head trauma. Acta Paediatrica. https://doi.org/10.1111/apa.15908).
Cet article propose une revue synthétique de la littérature médicale sur la valeur diagnostique de la rupture/thrombose des veines ponts dans le contexte du syndrome du bébé secoué (SBS).
Les veines ponts relient le cerveau à la paroi interne de la boîte crânienne.
Elles présentent un lien étroit avec les hématomes sous-duraux du nourrisson :
- D'une part, des caillots de sang au niveau des veines ponts (thrombose) sont fréquemment retrouvés à l'imagerie chez les enfants présentant des hématomes sous-duraux.
- D'autre part, il est enseigné aux médecins depuis plusieurs décennies que le secouement provoque la rupture traumatique des veines ponts (et donc leur thrombose).
Le sang qui s'écoulerait alors constituerait les hématomes sous-duraux que l'on retrouve chez les « bébés secoués ».
C'est pourquoi la seule observation de thromboses au niveau des veines ponts chez un enfant présentant des hématomes sous-duraux plurifocaux (en plusieurs endroits) conduit, selon les recommandations de 2017 de la Haute Autorité de Santé, à un diagnostic « certain » de secouement (« HSD plurifocaux avec caillots à la convexité (vertex) traduisant la rupture de veines ponts », page 21).
Pourtant, dans l'argumentaire scientifique de la Haute Autorité de Santé, les publications citées pour soutenir cette thèse ne dépassent pas le niveau 4 de preuve scientifique (page 117 de l'argumentaire scientifique), c'est-à-dire le plus faible selon ces mêmes recommandations (page 2 : « Faible niveau de preuve : Fondée sur des études de moindre niveau de preuve, comme des études cas-témoins (niveau de preuve 3), des études rétrospectives, des séries de cas, des études comparatives comportant des biais importants (niveau de preuve 4) »).
C'est aussi ce que confirme cette nouvelle revue de la littérature : les preuves scientifiques permettant d'établir un secouement à partir de la thrombose des veines ponts sont quasiment inexistantes, alors même que la Haute Autorité de Santé qualifie ce lien de « certain ».
La thrombose observée à l'imagerie n'est pas en soi une preuve de rupture (d'où le terme ambigu de « rupture/thrombose »), de telle sorte que la thrombose de ces veines n'est pas la preuve d'un traumatisme violent (les veines ponts peuvent être thrombosées par de nombreuses pathologies, par des facteurs de risques génétiques et autres, etc.).
Cette publication a reçu la contribution de Cyrille Rossant, chercheur en neurosciences et président d'Adikia. C'est après un diagnostic de « syndrome du bébé secoué » posé sur son fils, et conduisant à des poursuites pénales à l'encontre de l'assistante maternelle, que ce scientifique s'est interrogé sur la validité de ce diagnostic dans le cas de son enfant, mais également de manière générale. En 2020, la justice a prononcé un non-lieu en faveur de l'assistante maternelle, suite à des expertises estimant que le diagnostic d'« hydrocéphalie externe » était le plus probable.
Il y a de nombreux cas similaires dans l'association : augmentation rapide du périmètre crânien de l'enfant au cours des premiers mois de vie, signes d'atteinte neurologique (notamment hypertension intracrânienne), et découverte à l'hôpital de collections péri-cérébrales / hématomes sous-duraux, souvent accompagnés d'une thrombose des veines ponts et d'hémorragies rétiniennes (cf l'ouvrage du Pr Bernard Echenne). Ces signes sont trop souvent assimilés, à tort, à un syndrome du bébé secoué du fait des recommandations de la Haute Autorité de Santé qui ne reconnaissent pas l'hydrocéphalie externe comme un diagnostic différentiel majeur.
Il est à noter que cette pathologie est surtout étudiée par des neurologues pédiatriques et neuropathologistes pédiatriques, qui n'ont aucunement contribué à l'élaboration de ces recommandations. C'est en partie pour ces raisons que l'avocat pénaliste Grégoire Etrillard et l'association Adikia ont demandé l'abrogation de ces recommandations devant le Conseil d'État. La procédure est toujours en cours.