Excellente nouvelle pour Aurélie et Michaël, parents du petit Maël aujourd'hui âgé de 9 ans. Ils ont obtenu un non-lieu de la procédure pénale au bout de six ans de calvaire. Le Procureur a fait appel du non-lieu, mais la Cour d'Appel l'a confirmé. Aurélie et Michaël sont donc définitivement mis hors de cause par la justice.
Un enfant atteint d'une maladie génétique très rare
Maël est né à terme avec un poids de naissance de seulement 1,590 kg. Pendant la grossesse, une hydrocéphalie et un retard de croissance avaient été diagnostiqués, causés par une forme sévère d'une maladie génétique rarissime : le syndrome de Silver-Russell (400 cas répertoriés dans le monde).
Cette maladie a causé chez Maël un important retard de croissance, un retard de maturation osseuse, des fragilités cutanées et osseuses (sa peau marque facilement et ses os sont peu solides), une hydrocéphalie extrêmement sévère. Son périmètre crânien était à 57 cm à 15 mois, ce qui correspond +5 déviations standard, soit 10 cm de plus que la normale : à 15 mois, il avait le périmètre crânien d'un adulte. Au contraire, sa taille et son poids sont très en-deça de la moyenne pour son âge. Dès sa naissance, Maël a subi de nombreuses hospitalisations. Une malformation congénitale du nerf optique a causé un décollement de rétine et une cécité permanente.
Aujourd'hui, il souffre de graves troubles alimentaires. Il est régulièrement nourri par sonde de gastrostomie. Il a des injections quotidiennes d'hormone de croissance. Il a toujours souffert d'une hypoglycémie sévère non expliquée qui nécessite heure par heure un suivi vital de son alimentation. Il a reçu un diagnostic de trouble de déficit de l'attention / hyperactivité (TDAH). Il est suivi en hôpital de jour, il a régulièrement des séances de kinésithérapie, d'apprentissage du braille et de la canne. De nouvelles pathologies sont régulièrement diagnostiquées sur Maël au fur et à mesure de sa croissance (acrosyndrome, anomalies génétiques du collagène, atteinte sympathique...).
Signalement et expertises
Lorsque Maël avait deux ans, il a fait l'objet d'un signalement par un hôpital qui n'était pas familier avec son dossier médical ni avec cette pathologie rare, en raison de la présence d'hématomes sous-duraux et de lésions cutanées et osseuses. Le signalement a enclenché la machine judiciaire, avec placement, enquêtes sociales, enquête pénale.
Des experts judiciaires dont le Dr Anne Laurent-Vannier, présidente du groupe de travail de la Haute Autorité de Santé sur le syndrome du bébé secoué, ont été mandatés sur ce dossier. Ils assuraient que la maladie génétique de Maël n'avait rien à voir avec les lésions constatées. Pour eux, les violences volontaires constituaient la seule explication possible des symptômes : la macrocéphalie, la cécité, et tous les symptômes de Maël étaient la conséquence de secouements violents et d'autres actes de torture.
De plus, ils estimaient que la maladie génétique ne pouvait pas non plus expliquer les retards et handicaps de Maël (les retards moteurs et verbaux ayant pourtant été rattrapés après une prise en charge adaptée), qu'ils mettaient avec certitude sur le compte des violences. Une expertise a ainsi entraîné une requalification pénale de « violence sur mineur de 15 ans par ascendant ayant entraîné une incapacité mutilation ou une infirmité permanente », passible d'une peine particulièrement lourde de 20 ans de réclusion criminelle.
Non-lieu de la procédure pénale
Au vu des rapports des services sociaux, de l'absence de la moindre preuve de maltraitance de Maël dans sa famille, de l'absence du moindre élément objectif permettant d'établir l'existence de violences, si ce n'est l'avis de quelques experts judiciaires non spécialisés dans la pathologie de Maël, et des contradictions des différentes expertises, le juge d'instruction a rendu un non-lieu au bout de six ans de procédure :
« Le rapport du service chargé de la protection de Maël dans le cadre de la procédure d'assistance éducative n'a pas trouvé d'éléments permettant d'établir ou même de laisser supposer l'existence de maltraitances. (...) La contradiction entre les éléments issus des différentes expertises, ajoutés aux constatations des divers intervenants quant à la fragilité cutanée de l'enfant constitue des éléments à décharges qui ne permettent pas le renvoi devant une juridiction pour ces faits. »
Le juge a aussi rejeté l'avis de l'expertise du Dr Laurent-Vannier selon qui le syndrome de Silver-Russell ne pouvait expliquer aucun des symptômes de l'enfant, ces derniers étant alors considérés comme une « preuve » de maltraitance justifiant une requalification criminelle :
« L'enfant n'est pas seulement atteint du syndrome de Silver-Russell (qui entraîne déjà une prise en charge lourde), mais par un certain nombre d'autres problèmes de santé qui complexifie notablement sa prise en charge. Ainsi, le prisme utilisé ne peut seulement être celui consistant à dire qu'un symptôme relève nécessairement soit du syndrome de Silver-Russell, soit de maltraitances. Il n'existe pas d'éléments dans le dossier venant corroborer l'hypothèse des seconds experts sur ce point. »
Le juge notait aussi les contradictions des experts au niveau des causes de la cécité :
« Les premiers experts relèvent que [le décollement de rétine] a pour origine une malformation du nerf optique qui a entraîné les dommages à la rétine, et par là, la cécité. [...] Le second rapport d'expertise retient quant à lui une explication liée à de multiples épisodes de secouements de l'enfant. (...) La contradiction entre les éléments issus des différentes expertises (...) constituent des éléments à décharges qui ne permettent pas le renvoi devant une juridiction pour ces faits. »
Au final :
« Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, et d'autres éléments permettant d'exclure toute autre explication, il n'existe pas de charge suffisante pour retenir l'hypothèse dite du syndrome du bébé secoué. (...) Le renvoi d'une personne devant une juridiction de jugement nécessite la réunion de charges suffisantes laissant penser qu'une infraction a été commise, et qu'elle en est responsable. (...) Il résulte de l'information judiciaire des éléments à décharge qui viennent rendre insuffisants les éléments à charge pour justifier un renvoi devant une juridiction répressive. En conséquence, le non-lieu sera ordonné pour l'ensemble des chefs de poursuites. »
Appel du Procureur
Le non-lieu prononcé par le juge d'instruction a fait l'objet d'un appel par le Procureur. En septembre 2020, la Cour d'Appel a cependant rejeté l'appel et confirmé le non-lieu.
Aucun témoin de faits précis de maltraitance n'a été identifié au cours de l'enquête préliminaire puis sur commission rogatoire. Aucun voisin, ami, parent, ou travailleur social n'a vu le père ou la mère de Maël commettre des actes constitutifs de violences volontaires sur leur enfant. (...) Il en résulte que ni les éléments de médecine légale, ni les témoignages recueillis dans l'entourage de la famille, ni les rapports du dossier d'assistance éducative versés au dossier n'ont rapporté d'éléments à charge suffisants sur des faits précis qui pourraient constituer des violences sur mineur de quinze ans. (...) L'ordonnance disant n'y avoir lieu à suivre contre [Aurélie et Michaël] des crimes et délits pour lesquels ils ont été mis en examen sera en conséquence confirmée.
Le mot de la fin
Nous laissons le mot de la fin à Aurélie et Michaël, que nous félicitons encore pour ce long combat qu'ils ont remporté !
Après 6 ans de dur combat et d'acharnement, nous pouvons enfin reprendre le cours de notre vie. Il y a aura des séquelles à vie de ce combat, évidemment, mais c'est un gros soulagement. Nous pouvons enfin tourner cette page et commencer un nouveau chapitre de notre vie.
Aujourd'hui c'est aussi un message d'espoir à toutes ces familles que je souhaite transmettre. Battez-vous, ne lâchez rien. Même si vous tombez, relevez-vous encore plus fort. C'est un combat long et fatiguant, mais la vérité finit toujours par éclater. Croyez en vous malgré les difficultés. Ne baissez pas les bras.
Notre combat est peut-être terminé mais je ne relâcherai pas mes efforts. Il faut que la situation évolue, que les gens prennent conscience de cette fatalité qui est la nôtre mais aussi de tellement de familles. On remercie le peu de personnes qui ont été présentes car oui, beaucoup nous ont jugé et tourné le dos. Notre avocate car sans elle, on n'en serait pas là. Elle a toujours été impliquée et cru en notre innocence. Mais surtout Adikia. Cette grande famille qui a été là pour nous soutenir, nous conseiller. Vous êtes ma deuxième famille et je continuerai à vous soutenir vous toutes et tous qui êtes encore dans ce combat. Nos efforts ne seront pas vains. Tous ensemble nous sommes plus forts.
Aurélie et Michaël