Nous proposons une traduction d'une enquête journalistique publiée le 15 janvier 2020 par le média américain juridique The Appeal, au sujet des erreurs judiciaires causées par le diagnostic de bébé secoué.
Une mère du New Jersey emprisonnée sur la base d'une théorie douteuse
par Elizabeth Weill-Greenberg
le 15 janvier 2020, pour The Appeal
Pour l'État, Michelle Heale a violemment secoué le bébé jusqu'à le tuer, mais des experts disent que sa condamnation est basée sur une théorie qui n'a pas de fondements scientifiques.
Le 28 août 2012, Michelle Heale était chez elle à Toms River, dans le New Jersey, avec ses jumeaux de 3 ans et Mason Hess, 14 mois, dont la garde lui était régulièrement confiée depuis environ un an.
La mère de Mason, Kellie Hess, s'était portée volontaire pour le garder à la maison. La veille, il avait vomi chez Heale, et on lui avait diagnostiqué des infections de l'oreille et des voies respiratoires supérieures. Son pédiatre lui avait prescrit des antibiotiques.
« Tu es sûre que tu veux le garder ? Je ne voudrais pas qu'il vous contamine. », dit Kellie à Michelle par SMS le 27 août. « Ce ne sera pas la première fois, ni la dernière. Tout va bien se passer », répondit Heale.
Le matin du 28 août, Kellie a déposé Mason. Il a mangé son petit déjeuner et a joué avec les jumeaux, comme le montrent les textos échangés entre Kellie et Michelle. Selon le récit de Heale, vers 14 heures, elle lui a donné de la compote de pommes. Il a toussé, et elle lui a tapoté le dos. Elle est voulu lui donner encore de la compote, mais soudain, il s'est arrêté de respirer. Elle l'a placée sur son épaule et lui a tapoté dans le dos jusqu'à ce que le bébé rejette de la compote de pommes. Quand elle l'a reposé, il est soudainement devenu tout mou. Elle l'a pris et a couru dans le couloir pour appeller les secours. Elle a essuyé sa bouche pour qu'il puisse respirer.
« Il ne bouge plus du tout », a-t-elle dit à la personne au bout du fil, qui a dit à Heale de garder son calme. « Il est comme mort. »
Un officier de police est arrivé, puis une ambulance. Heale a essayé d'appeler le père de Mason, Adam Hess, mais elle n'avait pas son numéro dans son nouveau téléphone. Elle est allée à l'hôpital local avec l'officier.
La police a appelé Adam, qui est ensuite allé prendre Kellie. À l'hôpital, l'urgentiste a diagnostiqué une pneumonie sur la radio thoracique. Le médecin a également trouvé un taux élevé de globules blancs, indiquant une possible infection bactérienne.
Cet après-midi-là, les parents de Mason ont décidé de le transférer à l'hôpital pour enfants de Philadelphie (CHOP). Adam a accompagné Mason en hélicoptère. Mike, le mari de Michelle, a conduit Kellie et Michelle. Les couples s'étaient rencontrés lorsque Mike et Adam travaillaient ensemble comme détectives au bureau du procureur du comté d'Ocean. Ils étaient amis depuis environ cinq ans.
Mason n'a jamais repris conscience. Le 31 août, les docteurs Samantha Schilling et Philip Scribano, membres de l'unité médico-judiciaire de l'hôpital, ont déclaré à la police que Mason avait subi une « grave lésion cérébrale » et qu'il présentait des hémorragies au fond des yeux, selon un rapport de police. Le policier a écrit : « Les médecins ont conclu que le seul diagnostic était un traumatisme crânien violent, et que l'existence d'un événement violent était irréfutable ». Mason, selon les médecins, a forcément été secoué de manière violente. Kellie et Adam ont dit à la police que Heale n'aurait jamais fait de mal à leur fils.
Mason est mort le 1er septembre. Le 27 novembre, Heale a été arrêté pour assassinat.
Le dossier d'accusation de l'État a été basé sur les témoignages des médecins de l'hôpital, ainsi que deux des plus célèbres soutiens au diagnostic connu sous le nom de syndrome du bébé secoué (SBS). Mais des critiques disent que le SBS a été réfuté par les connaissances scientifiques, et le cas de Heale, selon des experts médicaux et des avocats, semble être basé sur un jugement précipité et une science douteuse.
« Je pense que cette affaire fait énormément penser à une erreur judiciaire », déclare Randy Papetti, avocat et auteur de « L'absence de fiabilité médico-légale du syndrome du bébé secoué », qui a examiné le dossier judiciaire de Heale à la demande de The Appeal. « Les principales personnes qui ont témoigné contre elle sont des médecins connus dont les opinions sont très controversées et semblent de moins en moins fiables chaque jour. »
Des témoignages contradictoires
Le procès de Heale a commencé en mars 2015. Les experts médicaux de l'État ont témoigné que Mason souffrait d'hémorragies rétiniennes et cérébrales, et d'un œdème cérébral. Heale a causé ces lésions, ont-ils soutenu, en secouant Mason à mort.
Alex Levin, chef du service d'ophtalmologie pédiatrique et de génétique oculaire au Wills Eye Hospital de Philadelphie, a déclaré sous serment qu'une photographie de l'un des yeux de Mason constituerait la couverture de la publication de l'Académie américaine d'ophtalmologie, « Focal Points ».
« Je n'ai jamais vu une photographie aussi caractéristique démontrant sans l'ombre d'un doute qu'il s'agit du syndrome du bébé secoué », a-t-il dit à la cour. « C'est juste une photo emblématique. »
La seule autre cause possible, selon Levin, aurait été « la chute d'une télévision ou quelque chose d'autre lui écrasant la tête, ou un accident de voiture, ou une chute de 11 mètres. » Un autre témoin, Lucy Rorke-Adams, une neuropathologiste de l'hôpital pour enfants de Philadelphie qui a examiné le cerveau et la moelle épinière de Mason, a déclaré au jury qu'un étouffement ou une « maladie » n'aurait pas pu causer la perte de connaissance de Mason. Lorsque le procureur lui a demandé s'il y avait le moindre doute sur le fait que Mason ait été secoué à mort, Rorke-Adams a répondu : « Non. »
Les procureurs ont écarté d'autres éléments pouvant contredire leur théorie, notamment le fait que Mason était malade avant le malaise, et que l'urgentiste avait diagnostiqué une pneumonie. Selon le rapport d'autopsie, il y avait aussi un bleu sur le front, et ses parents ont affirmé qu'il avait été causé par une chute chez eux environ une semaine auparavant.
« Mason vient de se cogner à nouveau... Je pense que sa bosse a grossi. Je vais le laisser devant la télé maintenant !!! », a envoyé Heale à Kellie la veille du malaise, selon les documents du tribunal. « Lol incroyable », répondit Hess.
L'équipe de défense de Heale a fait intervenir des experts en pathologie, en biomécanique, et en ophtalmologie. Ils ont témoigné que Mason n'avait pas été secoué. Ils ont dit que personne ne pouvait savoir pourquoi il s'était soudainement évanoui.
Les pathologistes Zhongxue Hua et John Plunkett ont témoigné que les lésions observées par Rorke-Adams sur le cerveau et la moelle épinière de Mason pourraient avoir été causées par un phénomène causé par la ventilation artificielle. Mason a été placé sous respirateur pendant plusieurs jours, ce qui peut entraîner une augmentation de la pression intracrânienne et des dommages à la moelle épinière, ont-ils dit. Il n'était pas possible, a ajouté le Dr Plunkett, qu'une personne secoue Mason (pesant 10 kilos selon le rapport des ambulanciers) assez violemment pour causer des lésions cérébrales. Heale pesait 47 kilos au moment de son arrestation, selon un rapport de police.
« Ce n'est pas un secouement qui a causé la perte de connaissance ou le décès », a témoigné Plunkett.
Les hémorragies rétiniennes, a dit Plunkett, ont de nombreuses causes. Dans une étude réalisée en 2001, le Dr Plunkett a montré que les symptômes associés au SBS peuvent aussi être causés par des chutes accidentelles de faible hauteur, une cause parmi d'autres que les experts d'un nombre incalculable de procès ont rejeté comme étant impossibles.
Heale pleurait souvent lors de ses comparutions au tribunal, selon les médias locaux, et lors de son interview par téléphone avec The Appeal depuis la prison pour femmes de Edna Mahan. Le premier jour de son procès, elle a dit en pleurant dans les bras de son mari qu'elle voulait rentrer chez elle, a rapporté l'Asbury Park Press. Heale a témoigné d'elle même, clamant constamment son innocence depuis le tout début.
La décision de justice tenait finalement à peu de choses : à quels experts allaient croire le jury ? En fin de compte, ils se sont rangés du côté des experts de l'accusation. Heale a été reconnue coupable d'homicide involontaire grave le 17 avril 2015.
Les Hesse ont témoigné que Heale, qui n'avait aucun antécédent de violence, était une personne patiente et aimante pour Mason et pour ses propres enfants. Ils en sont finalement venus à soutenir l'accusation, surtout après avoir appris que le médecin légiste avait classé la mort de leur fils comme un homicide, selon la déclaration d'Adam Hess à la police. Lors de la dernière audience, Kellie a traitée Heale de « monstre », a rapporté l'Asbury Park Press. Adam a dit, selon le journal local, « Nous savons que le diable lui a réservé une place spéciale en enfer parce que seul un être maléfique ferait du mal à un enfant. » Les Hesse ont refusé de répondre aux sollications de The Appeal.
Heale a dit à The Appeal que la perte de leur confiance était dévastatrice. « Quand vous dites la vérité, vous vous attendez à être cru », a-t-elle dit lors d'un entretien téléphonique.
Le juge l'a condamnée à 15 ans de prison. A l'époque, ses enfants avaient 6 ans.
« Maman va rentrer à la maison », Mike a dit aux jumeaux, en les rassurant qu'elle était en sécurité et qu'ils pourraient continuer à la voir. « Ça va prendre beaucoup de temps. »
Un diagnostic de bébé secoué remis en question
Depuis les années 1980, le nombre de condamnations pour SBS, parfois appelé traumatisme crânien violent, a augmenté régulièrement dans les tribunaux américains. Dans son livre « Flawed Convictions : Shaken Baby Syndrome and the Inertia of Injustice », Deborah Tuerkheimer, professeur de droit à l'Université Northwestern, a écrit qu'avant 1990, seulement 15 cas de SBS ont été traités par les Cours d'Appel. Entre 1990 et 2000, il y en a eu plus de 200. Et de 2001 à 2015, il y a eu environ 1 600 condamnations dans des affaires de SBS, selon une étude menée par le Washington Post et le Medill Justice Project.
Dans les années 1990, les experts médicaux ont régulièrement témoigné que la « triade », hématomes sous-duraux, hémorragies rétiniennes, et oedème cérébral, ne pouvaient être produite que par des secouements violents, une chute d'une fenêtre ou un accident de voiture, selon Tuerkheimer. Le diagnostic de SBS, a-t-elle dit à The Appeal, est un « diagnostic médical de meurtre ».
« Les poursuites fondées sur une théorie scientifique douteuse continuent », a-t-elle dit. « Ce qui compte en principe, c'est ce qui peut être prouvé au-delà de tout doute raisonnable devant un tribunal pénal et là, je pense que la science n'est pas au rendez-vous. »
Les hypothèses à l'origine du SBS ont été élaborées au début des années 1970. En 1971, A. Norman Guthkelch, un neurochirurgien pédiatrique britannique, a spéculé que les bébés pouvaient être secoués à mort sans aucune blessure externe apparente, en se basant sur l'examen de cinq bébés. Ces bébés, écrivait-il, « n'avaient aucune marque externe de traumatisme au niveau de la tête. » Puis, en 1972 et 1974, John Caffey, un radiologue pédiatrique, a publié des articles théorisant que les « forces du coup de fouet cervical » pouvaient causer des saignements sous-duraux et des hémorragies rétiniennes. Le diagnostic qu'il a appelé « le syndrome du coup de fouet cervical chez le nourrisson » sera plus tard appelé « syndrome du bébé secoué ». Mais Caffey a averti à l'époque que les « preuves étaient manifestement incomplètes et largement circonstancielles. »
C'est sur cette base problématique que des personnes comme Heale ont été condamnées, a déclaré Keith Findley, cofondateur du Wisconsin Innocence Project et du Center for Integrity in Forensic Sciences. « Cela n'a jamais été validé scientifiquement », a-t-il dit à The Appeal.
Ces condamnations suivent toutes le même schéma, selon Keith Findley et d'autres experts juridiques avec lesquels The Appeal s'est entretenu - un schéma que l'on retrouve aussi dans le cas de Heale. Un bébé fait un malaise et il est transporté d'urgence à l'hôpital, mais il n'y a aucun signe extérieur de maltraitance ou de traumatisme. À l'hôpital, le bébé passe un scanner cérébral, explique Findley. Si l'on observe un saignement, cela déclenche une suspicion de maltraitance, dit-il. Si des hémorragies rétiniennes sont également constatées, les médecins concluent rapidement que le bébé a été secoué à mort. Une fois ce diagnostic suspecté, une vision tunnelisée s'installe, dit-il. Les professionnels de santé et les enquêteurs « se souviendront, comprendront, et interpréteront toutes les différentes données d'une manière conforme à cette croyance originale. »
« Ils regardent le scanner, ils voient un hématome sous-dural, et ils pensent immédiatement que ça ressemble à de la maltraitance », dit-il à The Appeal. « Quasiment tout ce qui vient après est considéré à la lumière de ce prisme, "on pense que c'est de la maltraitance". »
Bien que les procureurs décrivent souvent les bébés comme étant en parfaite santé avant l'incident, il apparaît souvent qu'ils ont été par intermittence difficiles, malades ou ont eu des difficultés à manger, selon Findley.
Cette tendance a été observée dans le cas de la cliente de Findley, Audrey Edmunds, qui, comme Heale, a été accusée d'avoir tué un bébé dont elle avait la charge.
Près de deux décennies avant la condamnation de Heale, un juge du Wisconsin a condamné Edmunds à 18 ans de prison pour avoir secoué à mort Natalie Beard, âgée de 7 mois. Les parents de Beard ont témoigné que le jour de sa mort, avant qu'elle n'arrive chez Edmunds, Beard pleurait de façon incontrôlable, selon un mémoire déposé au nom d'Edmunds par le Wisconsin Innocence Project. À l'époque, Beard était sous antibiotiques pour une infection de l'oreille, selon le mémoire.
Edmunds a témoigné que lorsqu'elle est entrée dans sa chambre pour aller chercher Beard, le bébé était inconscient ; Edmunds a appelé les secours. Les experts de l'accusation ont témoigné que les blessures de Beard ne pouvaient avoir été causées que par des secouements, une chute d'une fenêtre du deuxième ou du troisième étage, ou un accident de voiture, et que sa perte de connaissance a immédiatement suivi le secouement violent. En d'autres termes, la dernière personne avec le bébé était responsable de sa mort.
« Il n'y a aucune preuve que les lésions graves que Natalie a subies aient pu être le résultat d'un accident, plutôt que de violences visant spécifiquement Natalie », a écrit en 1999 la juge Patience Roggensack lors de la confirmation d'Edumnds par la Cour d'appel du Wisconsin.
En 2006, le Wisconsin Innocence Project a présenté des preuves qui montraient que dans les années s'étant écoulées entre sa condamnation et les appels, les recherches avaient établi qu'il pouvait y avoir d'autres causes aux lésions présentées par Beard. Le pathologiste qui a pratiqué l'autopsie de Beard - et qui avait témoigné pour l'accusation lors du procès - a par la suite témoigné en faveur d'Edmunds. Il a déclaré qu'un bébé pouvait être conscient puis s'évanouir brutalement, sans qu'il n'y ait un événement déclencheur évident.
« La science qui a envoyé Audrey Edmunds en prison n'est pas figée dans le marbre », ont écrit ses avocats en appel à la cour. « Sans l'unanimité médicale originale, la théorie de l'État a perdu son fondement. »
La Cour d'appel du Wisconsin a accepté et a annulé sa condamnation. « Au procès, et lors de la première motion présentée par Edmunds après sa condamnation, il n'y a pas eu de débat aussi acharné », a écrit le juge Charles Dykman. « Maintenant, un jury serait confronté à des opinions médicales contradictoires et crédibles pour déterminer s'il y a un doute raisonnable quant à la culpabilité d'Edmunds. » L'État a choisi de ne pas la rejuger et a abandonné toutes les charges contre elles en juillet 2008. Edmunds est l'une des 17 personnes qui, depuis 1989, ont été exonérées de violences ou d'un meurtre impliquant le SBS, selon le Registre national des exonérations.
« Cela n'a rien de scientifique »
De nombreux aspects du cas d'Edmunds se retrouvent dans celui de Heale, y compris le témoignage d'expert. Levin, l'ophtalmologue qui a témoigné pour l'État dans le cas de Heale, a également témoigné pour l'État lors de l'audience dans le cas d'Edmunds. Dans les deux cas, il a dit à la cour que les secouements violents ont produit les hémorragies rétiniennes que les bébés ont subi lors de ces incidents.
Mais une étude publiée en 2017 par la Société belge de neurologie a conclu qu' « il n'y a pas de taille, de distribution ou de localisation pathognomonique des hémorragies rétiniennes observées uniquement dans les traumatismes crâniens intentionnels. » D'autres se demandent même si les secouements peuvent causer des hémorragies rétiniennes.
Waney Squier, un neuropathologiste pédiatrique en Angleterre qui a fait de nombreuses recherches sur le SBS, a déclaré qu'il y a des raisons de douter du fait que les secouements puissent produire l'une des lésions associés au diagnostic. Squier a fait référence à une analyse publiée en 2016 par l'Agence suédoise pour l'évaluation des technologies de la santé et des services sociaux. Les auteurs du rapport ont examiné 1 065 études sur le SBS afin de déterminer si les secouements étaient à l'origine de ce qu'on appelle la triade. La grande majorité - 1 035 - ont été exclues parce qu'elles ne répondaient pas aux critères d'inclusion, comme l'examen de 10 cas ou plus. Sur les 30 études qui répondaient aux critères de l'étude, deux étaient de « qualité moyenne », et aucune n'était de « qualité élevée ».
« Il n'y a en fait aucune donnée scientifique derrière l'hypothèse du bébé secoué », a déclaré Squier à The Appeal. « Toute cette affaire est basée sur des croyances, et non pas sur de la science. »
La position de Squier a changé avec le temps, dit-elle. En 2000, elle a fourni à l'accusation un rapport indiquant que Lorraine Harris, une mère britannique, avait secoué à mort son fils de 4 mois. Harris a été condamnée et emprisonnée. Mais en appel, en 2005, le Dr Squier a témoigné en sa faveur, et la condamnation de Harris a été annulée. (Rorke-Adams, qui avait témoigné pour l'État dans le cas de Heale, a également témoigné pour l'accusation dans le cas de Harris en appel).
« J'étais responsable de son emprisonnement », a déclaré Squier. « J'ai réalisé que j'avais tort. »
Le Dr Squier a ensuite témoigné dans d'autres affaires où des personnes ont été accusées d'avoir secoué des bébés à mort, disant aux tribunaux que le SBS n'était pas un diagnostic valable - des déclarations qui allaient mettre sa carrière en péril. En 2016, le conseil de l'ordre des médecins britanniques, le General Medical Council, a jugé que son témoignage dans six affaires de SBS avait été malhonnête et qu'elle n'était plus autorisée à pratiquer la médecine au Royaume-Uni. En appel, son permis d'exercice de la médecine a été rétabli, mais elle s'est vu interdire de témoigner en tant qu'expert pendant trois ans devant les tribunaux britanniques.
« J'ai osé aller à l'encontre du dogme dominant », a déclaré le Dr Squier. « J'ai dit que c'était peut-être le dogme actuel, mais que ce n'était pas de la science. »
Plunkett, qui a témoigné pour la défense dans le procès de Heale, a également dû faire face à des représailles après avoir osé remettre en question le dogme dominant. En 2001, le Dr Plunkett a témoigné comme expert pour la défense dans le cas de Lisa Stickney, une assistante maternelle qui a été accusée d'avoir secoué un bébé à mort. Après l'acquittement de Stickney, le bureau du procureur du comté de Deschutes, en Oregon, a porté des accusations contre Plunkett pour « faux témoignage », qui s'apparente à un parjure. En 2005, il a été acquitté. Plunkett est mort en 2018.
Ce qui est arrivé à Squier et Plunkett fait partie d'une « stratégie d'attaques personnelles » contre les médecins qui contestent l'hypothèse du SBS, a déclaré Findley à The Appeal.
« C'est tellement contraire à ce que devrait être la nature de la recherche scientifique, qui devrait englober la critique, le débat et la discussion ouverte », a déclaré Findley. « Nous devons naviguer au milieu de ces questions médicales et légales difficiles. »
Défenseurs du diagnostic
Même si l'opinion médicale a évolué, Levin et Rorke-Adams, deux des médecins qui ont témoigné pour l'accusations dans le cas de Heale, maintiennent leur diagnostic.
Levin a beaucoup écrit sur le SBS et il siège au conseil consultatif du Centre National du Syndrome du Bébé Secoué. Au procès de Heale, il a dit au jury que l'organisation l'avait reconnu pour « son leadership et son soutien exceptionnel. »
« Le Dr. Levin, au moins sur les 20 dernières années, est pour moi la personne la plus influente parmi les soutiens de la version classique du diagnostic du syndrome du bébé secoué », dit Papetti, auteur de « L'absence de fiabilité médico-légale du syndrome du bébé secoué. »
Rorke-Adams a également été reconnue par le Centre National du Syndrome du Bébé Secoué. En 2014, elle a reçu un prix pour ses contributions exceptionnelles dans le domaine du syndrome du bébé secoué et du traumatisme crânien intentionnel.
Mais avant le procès de Heale, les deux médecins avaient témoigné contre des personnes qui ont ensuite été exonérées d'avoir secoué à mort des enfants sous leur garde ; le jury n'a jamais entendu cela.
En 2005, Rorke-Adams a témoigné dans l'appel de Harris, et en 2007, Levin a témoigné pour l'État dans le cas d'Edmund. En 2014, la même année où Rorke-Adams a reçu son prix, un juge fédéral de l'Illinois a réprimandé son témoignage dans l'affaire de Jennifer Del Prete, une assistante maternelle accusée d'avoir secoué à mort un bébé de 3 mois.
Appelée à témoigner par l'accusation à l'audience de Del Prete, Rorke-Adams a dit à la cour que le cerveau du bébé « avait été détruit » et « ne ressemblait plus à un cerveau ». Les lésions ont été causées, selon son témoignage, par un traumatisme crânien intentionnel causé par des secouements.
Cependant, la cour de district a trouvé une partie de son témoignage « totalement incohérent et peu fiable. » Rorke-Adams avait, écrit le juge, « vu les photos des sections du cerveau à l'envers et en avait tiré des conclusions erronées et injustifiées. »
Un expert de la défense pour Del Prete a témoigné que ce que Rorke-Adams avait identifié - par erreur, selon elle - comme une contusion cérébrale était en fait un artefact qui s'était produit lorsque le cerveau avait été enlevé durant l'autopsie. Pour elle, le bébé était probablement mort d'une thrombose veineuse cérébrale.
« Je ne sais pas si quelque chose pourra compenser ce que j'ai vécu », a déclaré Mme Del Prete en 2017, environ un an après l'annulation de sa condamnation. « Mais je n'ai jamais cessé de me battre pour retrouver mes enfants et ma famille. »
Rorke-Adams n'a pas répondu aux sollications de The Appeal. En réponse aux questions de The Appeal, le Dr Levin a écrit dans un mail : « Je me contente d'examiner les faits médicaux et de les relier à la science connue, et j'essaie de fournir au tribunal une formation en la matière. »
Il a poursuivi en expliquant qu' « il n'y a pas une seule observation dans un fond d’œil » qui permette d'indiquer une cause spécifique. « Mais nous ne devrions jamais utiliser un seul élément », a-t-il écrit. « Le diagnostic de maltraitance est basé sur une considération rigoureuse de toutes les lésions ophtalmiques dans le contexte clinique, des résultats biologiques, des éléments anamnestiques et radiologiques. »
Aller de l'avant
En janvier 2018, la Cour supérieure du New Jersey a confirmé la condamnation de Heale. En juin de la même année, la Cour suprême du New Jersey a refusé d'entendre sa cause.
Mais environ deux mois plus tard, un autre tribunal du New Jersey a remis en question la validité du SBS. Lors d'un procès dans le comté de Passaic, Robert Jacoby a été acquitté alors qu'il était accusé de violences aggravées. Environ quatre ans plus tôt, le fils de Jacoby, âgé d'environ 11 semaines, avait vomi et s'était évanoui pendant qu'il était sous sa garde. Jacoby l'a emmené à l'hôpital et a rapidement été accusé d'avoir causé les lésions en le secouant.
« Il est maintenant bien établi et largement accepté dans la communauté scientifique qu'il existe d'autres causes ou conditions qui "imitent" les résultats couramment associés au SBS », a écrit le juge de première instance dans sa décision, qui cite l'affaire Edmunds. « Certaines de ces causes comprennent les traumatismes obstétricaux, les blessures accidentelles sur les terrains de jeux, les accidents de voiture, et d'autres problèmes médicaux. »
L'année dernière, le procureur général du New Jersey a annoncé la création d'une unité de révision des condamnations pour enquêter sur les allégations d'innocence, ce qui pourrait donner à Heale une autre chance d'être reconnue innocente. En attendant le retour de Michelle, les Heale s'engagent à maintenir leur famille soudée. Une des choses les plus difficiles à accepter, a dit Michelle à The Appeal, est de perdre « la vie que vous pensiez donner à vos enfants. »
Mike et Michelle, qui sont mariés depuis plus de 15 ans, poursuivent leur tradition, comme ils l'appellent, des « sorties en amoureux », qui ont lieu maintenant une fois par mois dans une chambre de visite de prison. Les jumeaux, qui ont maintenant cinq ans, viennent une semaine sur deux.
Michelle travaille avec des détenus souffrant de troubles mentaux et gagne 7 dollars par jour, qu'elle envoie à ses enfants pour leur épargne, selon Michelle. « J'ai besoin d'aider les autres », a-t-elle déclaré à The Appeal à propos de son travail. « J'ai besoin de redonner le sourire à des gens. »
Mike a dit qu'il essaie de se concentrer sur ce que Michelle pourra vivre une fois qu'elle sera de retour à la maison, et non sur tout ce qu'elle manquera. Il lui a dit, « Tu vas manquer certaines choses : les sports. Tu vas rater le bal de fin d'année au lycée. La remise des diplômes du lycée. Mais ce qu'ils vont faire après, tu y seras. Tu seras là pour les mariages. Tu seras là pour la naissance de leur enfant. Tu n'es pas partie pour toujours. »