Nous proposons la traduction d'un article publié le 21 janvier 2020 sur The Asahi Shimbun, l'un des principaux quotidiens nationaux japonais.
Un procès remettant en cause le diagnostic du syndrome du bébé secoué débute à Tokyo
article écrit par Shunsuke Abe and Nobuaki Tanaka
The Asahi Shimbun, 21 janvier 2020
Une controverse médicale autour du diagnostic du syndrome du bébé secoué (SBS), qui a entraîné une série d'acquittements dans la région du Kansai, est au cœur d'un procès à Tokyo impliquant la mort d'une petite fille.
Hayato Chuman, 43 ans, est accusé d'avoir secoué sa petite fille de 1 an, Hikari, et de lui avoir causé des lésions cérébrales à Machida, dans l'ouest de Tokyo, vers minuit le 13 janvier 2017.
Le nourrisson est mort le 22 mars 2017 des suites d'une infection des poumons contractée au cours de l'hospitalisation pour ses lésions cérébrales.
Dans le procès qui a débuté le 20 janvier à la section Tachikawa du tribunal de district de Tokyo, les procureurs affirment que la mort de Hikari est due au syndrome du bébé secoué, car elle présentait trois symptômes : un hématome sous-dural, des hémorragies rétiniennes, et un œdème cérébral.
Cependant, certains experts affirment que l'hypothèse d'une maltraitance dans un diagnostic de SBS manque de validité scientifique, une défense qui a conduit à une série d'acquittements récents depuis 2017 dans l'ouest du Japon dans des cas similaires.
Le syndrome du bébé secoué est une lésion à la tête causée par des secouements violents infligés à des nourrissons. On pense que le cerveau d'un bébé, les vaisseaux sanguins et les nerfs environnants sont lésés par les forces de rotation au cours des secouements.
Au procès de Tokyo, auquel participe un jury populaire, de nombreux médecins doivent témoigner en tant qu'experts pour l'accusation et la défense.
Le procès débute
Dans leurs déclarations d'ouverture le 20 janvier, les procureurs ont déclaré que lorsque Hikari a perdu connaissance dans son berceau et a cessé de respirer, sa mère prenait un bain alors que Chuman était sur le balcon en train de boire de l'alcool.
Ils ont souligné que le père était la seule personne en mesure de blesser l'enfant, et que les trois symptômes ne pouvaient pas avoir une autre origine que des secouements violents.
Les avocats de la défense soutiennent que Chuman n'a remarqué quelque chose d'étrange chez sa fille qu'après que sa femme ait crié après avoir pris son bain. Ils affirment que les symptômes de l'enfant n'étaient pas dus au syndrome du bébé secoué, en disant qu'il n'est pas rare que les trois symptômes soient dus à une maladie, et qu'elle était souvent pâle.
Sa femme, qui a divorcé après l'incident, a comparu en tant que témoin. Elle a témoigné que Hikari avait l'air pâle dans les jours précédant l'incident. Mais le jour où le bébé a été découvert sans vie, elle était blanche comme un linge et son état était totalement anormal.
Elle a également déclaré que Chuman n'avait jamais commis de violence contre Hikari, et qu'elle ne croyait pas qu'il soit allée la chercher avant ou après qu'elle ait pris son bain.
Une théorie fragile
Une controverse est apparue au Japon et à l'étranger au sujet de la validité du diagnostic classiquement utilisé pour le syndrome du bébé secoué. Lors d'une audience prévue pour le 24 janvier, le tribunal prévoit de procéder à un « examen simultané ».
Dans le cadre de cet examen simultané, un pédiatre, qui serait un défenseur de la théorie et qui a diagnostiqué de nombreux cas de bébés secoués, et un médecin légiste qui rejette la théorie, témoigneront tous les deux.
Selon la théorie du syndrome du bébé secoué, si les trois symptômes apparaissent sans qu'il n'y ait de lésions externe apparente à la tête du nourrisson, alors on peut supposer que le nourrisson a été violemment secoué.
Cette théorie de base a été défendue par un médecin britannique en 1971 et a été utilisée pour constituer des dossiers de maltraitance aux États-Unis dans les années 1980 et 1990.
Au Japon, la théorie a été à la base de condamnations criminelles à partir des années 2000. Cependant, au cours de cette période, des études aux États-Unis et dans des pays européens qui ont conclu que « des symptômes similaires pourraient se produire suite à des maladies ou des chutes de faible hauteur » ont été publiées successivement.
En 2017, des avocats et des chercheurs japonais ont mis en place un groupe de projet pour examiner de près les preuves relatives au syndrome du bébé secoué à Osaka. Le projet a développé une jurisprudence contre l'idée que « les trois symptômes sont équivalents au syndrome du bébé secoué », entraînant au moins six acquittements dans des affaires connexes dans la région du Kansai - un dans la préfecture de Nara et les cinq autres dans la préfecture d'Osaka - depuis décembre 2017.
En réponse, la Société japonaise de pédiatrie a participé à une déclaration commune en 2018, rédigée par des pédiatres et d'autres médecins aux États-Unis, notant que la théorie du SBS est médicalement valable. Dans cette déclaration, ils affirment qu'ils ne se trompent jamais dans les diagnostics de maltraitance.