Chers parents,
Vous qui vous apprêtez à passer Noël sans votre enfant, sachez que je pense très fort à vous ! Alors que cette période de fêtes aurait dû être un moment de joie pour votre famille, c’est sans doute le pire moment de votre vie. Vous devez absolument rester debout et garder la magie de Noël pour vos enfants. Il y aura bien d'autres moments merveilleux avec eux, vous vivrez des dizaines de Noëls à leurs côtés, et ils auront besoin de vous ! Ce terrible sentiment d'injustice, ce sentiment d'être seul contre tous, je l'ai connu moi aussi. J'en ai aujourd’hui terminé, au bout de quatre longues années, mais les mauvais souvenirs demeurent et je ne peux que compatir à votre peine. Savoir que vous n’êtes pas seuls doit vous faire garder espoir.
Mais il vous faudra beaucoup de patience, car notre combat à tous sera très long. Nous, simples parents, sommes accusés à tort par une partie de la médecine. Nous clamons, crions notre innocence, mais nous ne sommes pas crus, parce qu'admettre notre innocence revient à admettre que la médecine s'est trompée. Quand bien même nous sommes finalement innocentés par la justice après des années de calvaire, cela ne leur suffit pas. Des analyses ADN fournissent la preuve de notre innocence, des maladies génétiques sont retrouvées ? Coïncidence ! Certains pays comme la Suède ont abandonné le diagnostic du bébé secoué tel qu’il est posé en France ? Peu importe, « ici, on est en France ! ». Des professeurs de médecine font la démonstration de notre innocence ? Il ne faut pas les écouter, ils sont « minoritaires » !
Clamer notre bonne foi ne suffit pas, il nous faut expliquer, argumenter, démontrer pourquoi les accusations qui sont faites contre nous ne tiennent pas. Mais ces efforts seraient-ils vains ? L'avocat de notre association, Maître Grégoire Etrillard, a écrit une magnifique lettre de 25 pages, extrêmement précise et argumentée, contenant pas moins de 73 notes de bas de page. Combien de réponses sur le fond lui fait-on ? Aucune ! L’Autorité est incontestable parce qu’elle est l’Autorité. Malgré tous les arguments soulevés, le débat est refusé. Cet argument d'autorité est bien sûr inacceptable, parce que « le respect irréfléchi de l'autorité est le plus grand ennemi de la vérité ». Des erreurs de calcul vérifiables par tous et qui ont des conséquences majeures sur les diagnostics ne devraient pas être soulevées parce qu’elles proviennent d’une Autorité qui a fait un « travail rigoureux ». Que dire lorsque des conclusions erronées sont tirées d’arguments statistiques mathématiquement faux ? Si l’on nous assène avec autorité que 2+2=5, devrions-nous l'accepter en silence ? Sommes-nous seulement au vingt-et-unième siècle ? « Certitudes » incontestables, pensée de groupe, exclusion des dissidents : on est bien loin de la démarche à prétention scientifique.
« Contester les recommandations, c'est se tromper de sujet ». Non, mesdames et messieurs, se battre pour nos enfants, pour nos familles, brisées à cause d’arguments à prétention scientifique mais erronés, ce n'est pas se tromper de sujet. Se battre pour une petite fille de 22 mois (dont 20 placée) privée de ses parents depuis deux Noël alors qu'elle est atteinte du syndrome d'Ehlers-Danlos, ce n'est pas se tromper de sujet. Se battre pour faire sortir de prison une mère en deuil (enceinte de son deuxième enfant) qui vient de perdre son bébé d'une maladie rare et qui a été incarcérée alors qu'elle vivait le pire moment de sa vie, ce n'est pas se tromper de sujet. Se battre pour libérer ce père de famille condamné en première instance à huit ans de prison ferme après que son bébé a fait une chute mortelle, pour parvenir finalement à faire reconnaître son innocence par la justice en appel, ce n'est pas se tromper de sujet. Cette famille a enfin été réunie mais elle ne se remettra jamais complètement de huit ans de pur enfer.
Mesdames et messieurs, médecins, infirmières, magistrats, forces de l’ordre : vous êtes là pour soigner et protéger nos enfants, avant toute chose. Vous avez fait pour beaucoup d’entre vous le serment de ne jamais faire de mal, avant tout. Et pourtant, que de dommages collatéraux ! Des mauvaises habitudes, des croyances sans fondements prospèrent depuis si longtemps. Ne serait-ce que cette semaine, une mère nous a contactés après avoir entendu parler de nous dans la presse : elle avait brièvement vécu ce cauchemar avant d’être innocentée in extremis par un professeur de médecine, et elle en est restée traumatisée à vie. C’était il y a… 20 ans. Notre combat sera long. Il sera difficile, car comment admettre que l’on s’est souvent trompés, alors que l'on pensait bien faire ? Comment trouver le courage de regarder la réalité en face, une réalité terrible, inimaginable, inacceptable, mais une réalité malgré tout ? Devant les preuves scientifiques, devant l’évidence, il est trop confortable de détourner le regard, mais si demain, c’était vous ?
Chers parents, notre long et difficile combat ne fait que commencer. Énormément de projets sont dans les cartons pour cette nouvelle année 2020, qui va bien sûr débuter sur les chapeaux de roues, mais aussi pour la décennie qui se présente devant nous. Nous devons nous entourer de médecins spécialistes, de chercheurs, d’avocats pour démontrer l’absence de fondements scientifiques des accusations portées contre nous. Nous sommes contactés tous les jours par des familles en détresse, stupéfaites et terrifiées de constater que ce qui leur arrive est aussi arrivé à tant d’autres. Nous sommes plus nombreux chaque jour, malheureusement, mais c'est aussi ce qui fait notre force. Hier, nous n'existions même pas. Aujourd'hui, nous sommes pour la toute première fois entendus, enfin, mais ce n'est que demain que nous serons véritablement écoutés. Patience !
Nous savons pourquoi nous nous battons. Nous le devons pour nos enfants, nos familles, pour vous tous, mais aussi pour tous ces futurs bébés qui ne sont pas encore nés, qui méritent d’être correctement soignés et diagnostiqués, et d’avoir la chance de grandir dans l’amour de leur famille. Parce que, chers parents, c’est un Noël rempli d’espérance que je vous souhaite du fond du cœur. Restez soudés et forts. La famille et l’amour sont notre seule clé !
Vanessa Keryhuel, présidente de l’association Adikia