Nous proposons la traduction d'un article publié sur le site de l'Innocence Project japonais, à la suite de l'exonération d'une grand-mère âgée de 69 ans accusée d'avoir secoué à mort sa petite-fille de deux mois. Cette décision de justice a aussi fait l'objet d'un article dans un grand quotidien japonais (Asahi Shimbun).
Le 25 octobre 2019, la Haute Cour d'Osaka (juge : Hiroaki Murayama), a rendu un jugement de non-culpabilité pour une grand-mère condamnée en 2017 pour avoir secoué à mort sa petite-fille. Elle avait toujours maintenu son innocence.
L'incident s'est produit en avril 2016. Mme Yasuko Yamauchi s'occupait de ses deux petites-filles au domicile de sa fille lorsque la petite-fille cadette âgée de 2 mois a fait un malaise. Le bébé est mort trois mois plus tard. Mme Yamauchi a été poursuivie pour avoir violemment secoué sa petite-fille (ou lui avoir infligé un traumatisme crânien intentionnel), entraînant sa mort. L'accusation a basé les poursuites sur le témoignage de médecins qui ont affirmé qu'il s'agissait du syndrome du bébé secoué (SBS).
Le tribunal de district, sur la base des témoignages des médecins et de la présence de la « triade » des symptômes caractéristique du SBS [hématome sous-dural, hémorragies rétiniennes, œdème cérébral], l'a condamnée à 5 ans et 6 mois de prison. Elle a fait appel de la décision.
Les avocats, qui sont également membres du SBS Review Project, ont porté l'affaire devant la Haute Cour. Après de nombreuses recherches, l'équipe de défense a découvert que le bébé souffrait d'une thrombose des sinus veineux cérébraux et de coagulation intravasculaire disséminée, une condition dans laquelle un caillot de sang se forme dans le cerveau. Cette pathologie a été décelée par deux neurochirurgiens qui ont également témoigné pour la défense devant la Haute Cour.
La Haute Cour a conclu à une erreur factuelle dans la décision du tribunal de district et l'a annulée, déclarant Mme Yamauchi non coupable. Le tribunal a conclu qu'il existe une possibilité raisonnable que les symptômes du bébé aient été causés par une thrombose des sinus veineux cérébraux et par une coagulation intravasculaire disséminée.
La Haute Cour a également évoqué les problèmes causés par le diagnostic du syndrome du bébé secoué de manière générale :
Ce cas montre le danger des poursuites basées sur le diagnostic de bébé secoué. Si l'on applique de manière trop simpliste la théorie du bébé secoué, les faits sont établis de manière automatique et stéréotypée, ce qui conduit à des erreurs factuelles.
Le tribunal a également examiné les circonstances entourant l'accusée et la victime. Le tribunal a déterminé que Mme Yamauchi n'est pas du tout une personne violente et qu'elle était capable de s'occuper des enfants sans stress. Lorsque la personnalité de Mme Yamauchi et les circonstances de l'incident ont été prises en considération, le tribunal n'a retrouvé aucun motif indiquant que Mme Yamauchi ait pu blesser l'enfant.
La Cour a estimé qu'il n'est pas réaliste de penser que l'accusé ait pu physiquement secouer le bébé. Compte tenu de l'âge et du physique de l'accusée [1m46 pour 37 kg], de sa force physique, de sa situation personnelle et des circonstances de l'incident, il est contre nature de penser que l'accusée ait pu secouer le bébé.
Compte tenu des facteurs susmentionnés, il existe un doute important sur le fait que l'accusée ait secoué le bébé ou qu'elle lui ait infligé une forme quelconque de violence.
La Cour a également souligné les problèmes posés par le processus d'établissement des faits du tribunal de district :
Le tribunal de district avait présumé que les symptômes du bébé devaient avoir été causés par un traumatisme. Dans cette optique, le tribunal de district, en utilisant un processus d'élimination, a conclu que l'accusée devait être l'auteur des gestes. Ce type de raisonnement est généralement accepté. Cependant, dans ce cas, ce processus d'élimination est très problématique : des faits ou des opinions qui, à première vue, sont suffisamment fondés peuvent être erronés. Le processus d'élimination, sauf dans certains cas, peut conduire à conclure qu'une personne est l'auteur de l'infraction, même s'il n'y a pas de preuve ou de faits le désignant comme tel. De plus, lorsque ces deux logiques sont combinées, les dénégations de l'accusé n'ont aucun poids et la déclaration de culpabilité devient inévitable. C'est là un grave problème dans la manière d'établir les faits lors d'un procès pénal.
Masashi Akita, l'un des avocats de Mme Yamauchi et co-fondateur/codirecteur du SBS Review Project, a déclaré :
Cette décision remet également en cause les cas où l'on conclut à la maltraitance en se fondant uniquement sur des observations médicales. Il faudra procéder à un examen systématique de la manière dont les autorités et les hôpitaux pour enfants traitent de tels cas.