Nous proposons la traduction d'un article publié par le média américain NBC News le 26 septembre 2019.
Des législateurs du Texas veulent protéger les familles accusées à tort de maltraitance
Par Mike Hixenbaugh et Keri Blakinger
26 septembre 2019
NBC News
En réponse à une enquête de NBC News, des législateurs du Texas appellent à une réforme pour que les familles aient droit à un deuxième avis médical avant que leur enfant ne soit placé.
HOUSTON — Des législateurs du Texas réclament des garanties plus solides dans le système de protection de l'enfance après qu'une enquête de NBC News et du Houston Chronicle ait révélé des placements basés sur des opinions médicales contestées de la part de médecins formés pour repérer les cas de maltraitance.
Cette enquête a montré que des travailleurs sociaux ont retiré des enfants à leurs familles sur la base de rapports médicaux écrits par des pédiatres qui ont par la suite été remis en cause. Cela a entraîné des séparations familiales traumatisantes et des procédures judiciaires pendant de longs mois.
James Frank, président de la commission de la Chambre des représentants du Texas qui supervise le Département de la famille et des services de protection de l'État, a déclaré que l'enquête avait révélé de graves problèmes.
« Je suis très préoccupé par le placement abusif et inutile de certains enfants. Je pense que cela se produit beaucoup plus souvent que ne le pensent les gens ici », dit M. Frank, un républicain du nord du Texas.
M. Frank prévoit de mettre en place des réunions au cours des prochains mois afin d'examiner les améliorations possibles. Certains législateurs ont suggéré de laisser la possibilité aux tribunaux, aux travailleurs sociaux, ou aux familles accusées de demander un deuxième avis médical avant que l'État n'effectue un placement.
Le Texas verse 5 millions de dollars en subventions chaque année — dont 2,5 millions de dollars de la part de l'organisme qui supervise les services de protection de l'enfance — pour couvrir le travail des pédiatres spécialisés en maltraitance. Cette spécialité de moins en moins confidentielle est pratiquée par des pédiatres qui prennent en charge des enfants arrivant à l'hôpital avec des lésions suspectes. Le Texas subventionne certains de ces médecins pour qu'ils examinent des enfants lorsque les travailleurs sociaux le leur demandent. Ces derniers se fondent ensuite sur leurs rapports pour décider s'ils doivent retirer les enfants à leurs parents.
M. Frank reconnaît que ces médecins font un travail difficile et qu'ils jouent un rôle essentiel dans la protection des enfants maltraités, ce qui permet de sauver des vies. Mais au cours des dernières années, il a aussi entendu parler de nombreux parents dont les enfants ont été placés sur la base d'un rapport d'un pédiatre spécialisé en maltraitance, rapport qui était pourtant contredit par d'autres médecins.
Dans ces cas, M. Frank pense que les travailleurs sociaux accordent parfois trop de poids à l'avis de ces médecins spécialisés en maltraitance, et qu'ils ne mènent pas d'enquête suffisamment approfondie avant de placer les enfants.
« Dans la plupart des cas, les médecins ne diagnostiquent pas avec certitude la maltraitance, mais ils évoquent une simple suspicion de maltraitance. Je ne sais pas s'il y a assez de garanties pour s'assurer qu'il s'agit réellement de maltraitance. »
Harold Dutton Jr, un démocrate de Houston qui est aussi l'avocat d'une mère se disant accusée à tort par un pédiatre spécialisé en maltraitance, a déclaré qu'il avait entamé des discussions avec M. Frank pour examiner des améliorations possibles.
« Nous n'avons encore rien trouvé, mais nous y travaillons, dit-il. Nous devons mieux définir les conditions justifiant du placement d'un enfant. Nous devons nous améliorer dans ce domaine. »
Dans une déclaration, Patrick Crimmins, porte-parole du ministère des Services de la famille et de la protection infantile, a déclaré que l'organisme se basait sur l'expertise de pédiatres spécialisés en maltraitance lorsque ses travailleurs sociaux et les autres médecins sont incapables de déterminer si des lésions ont été causées par des violences.
« Nous pensons que ce processus fonctionne bien pour détecter la maltraitance dans des cas complexes, et que des vies ont été sauvées », dit M. Crimmins. « Mais n'importe quel processus — en particulier celui qui met en jeu la vie des enfants et de leur famille — peut être amélioré. Nous voulons travailler avec les législateurs et les intervenants pour y parvenir. »
Au cours des interviews, les pédiatres spécialisés en maltraitance ont déclaré qu'ils prenaient toujours soin d'écarter les diagnostics différentiels avant de rendre leurs conclusions. Ils admettent qu'un diagnostic erroné de maltraitance peut conduire au retrait abusif d'un enfant à des parents bienveillants. Mais à l'inverse, négliger des signes avant-coureurs pourrait conduire à laisser un enfant dans un environnement dangereux, avec des conséquences potentiellement fatales.
Pour le représentant Gene Wu, les questions soulevées par les reportages de NBC News and Chronicle étaient familières. M. Wu, démocrate de Houston et avocat, s'occupe parfois de cas où des enfants sont placés sur la base de rapports médicaux.
« J'ai déjà eu deux ou trois cas (...) où des médecins libéraux ont dit : " C'est une fracture typique chez les enfants de cet âge parce qu'ils commencent à marcher ". Puis l'expert en maltraitance reprend le dossier et dit que c'était peut-être de la maltraitance. Tout le monde se met alors à paniquer."
Dans ces cas-là, M. Wu dit : « Les services sociaux sont dans une situation très délicate où ils sont perdants dans tous les cas. »
Les pédiatres sont formés non seulement à reconnaître la maltraitance, mais aussi à reconnaître les pathologies pouvant y ressembler. Ils affirment qu'ils excluent la maltraitance plus souvent qu'ils ne la confirment.
Mais M. Wu dit que lorsque des spécialistes médicaux se concentrent sur la maltraitance, il est naturel que certaines blessures banales puissent leur faire évoquer la maltraitance.
« Lorsque vous avez un marteau, tout ressemble à un clou », dit Wu.
Dans bien des cas, le seul médecin consulté par les services de protection infantile, et le seul à témoigner dans les tribunaux, est celui qui a fait le signalement, notamment parce que de nombreuses familles n'ont pas les moyens d'engager des avocats expérimentés ou des experts médicaux privés.
Pour remédier à ce problème, M. Frank et d'autres législateurs suggèrent d'exiger des services de protection infantile qu'ils demandent des avis médicaux complémentaires dans certains cas avant d'ordonner le placement. Une autre solution, dit M. Wu, serait que les tribunaux puissent faire appel à des experts indépendants pour évaluer les cas médicalement complexes et offrir un deuxième avis.
« Nous pourrions créer un fond que les tribunaux pourraient utiliser », dit-il. « Une partie pourrait demander au juge de faire appel à un expert indépendant, et l'État pourrait avoir une liste d'experts médicaux qui pourraient reprendre le dossier. »
Il n'y a pas de « solution facile », a-t-il averti.
« J'ai décrit le système de protection infantile comme une balançoire très bien équilibrée », dit M. Wu. Si vous poussez trop d'un côté, vous risquez d'enlever des enfants à des parents bienveillants, et dans l'autre sens, des enfants pourraient être tués. (...) Quoi que nous fassions, nous devons veiller à ce que cette solution politique ne créé pas de déséquilibre. »