Mardi 16 avril dernier, France 5 diffusait dans l'émission Le monde en face un documentaire révoltant, signé Stéphanie Thomas et Pierre Chassagnieux : Les enfants perdus d'Angleterre. Ce film faisait suite au précédent documentaire des mêmes journalistes, Les enfants volés d'Angleterre, diffusé sur France 5 en novembre 2016.
Les enfants volés d'Angleterre (2016)
Le premier documentaire dénonçait les dérives injustifiables d'un système de protection de l'enfance en Grande-Bretagne qui retire des enfants abusivement à leurs parents. Une loi britannique de 1989, le Children Act, justifie en effet le placement des enfants suite à un simple « soupçon » de maltraitance. Ce terme extrêmement vague donne lieu à toutes les dérives.
Le Monde écrivait ainsi à ce sujet, le 15 novembre 2016 :
C’est un documentaire absolument glaçant qu’ont réalisé Stéphanie Thomas et Pierre Chassagnieux. Il se regarde bouche bée, à mi-chemin entre incrédulité permanente et révolte. La consternation est d’autant plus grande que le phénomène est presque totalement méconnu au Royaume-Uni, et qu’il ne donne lieu à aucun débat.
Chaque année, les services sociaux britanniques retirent des milliers d’enfants à leurs parents. Ces derniers ne sont pourtant accusés d’aucune maltraitance ni d’aucun abus psychologique. Ils sont simplement soupçonnés d’être « potentiellement » dangereux pour leur nouveau-né.
L’idée d’un danger potentiel futur peut sembler directement inspirée d’un film de science-fiction, façon Minority Report. Elle est pourtant bien réelle, dans un système qui veut tellement se rapprocher du risque zéro de maltraitance à l’enfance qu’il en est devenu pervers et inhumain.
L'article de continuer en prenant l'exemple, que nous ne connaissons que trop bien dans l'association, d'un bébé arraché à ses parents parce qu'il souffrait d'une maladie génétique :
Jacquie et John se sont un jour rendus aux urgences avec leur bébé, blessé à la tempe, présentant un hématome. Rapidement, les services sociaux sont intervenus. Comment expliquer une telle blessure ? Soupçonnant des coups, ils ont décidé de procéder à une enquête. Rapidement, le bébé ainsi que son grand frère leur ont été retirés, malgré les démentis véhéments des parents et l’absence complète de toute preuve supplémentaire.
Depuis, une contre-enquête a prouvé qu’il s’agissait d’une erreur judiciaire. Une maladie génétique dont souffrait Jacquie, héritée par le bébé, provoquait des hématomes important. Mais c’est désormais trop tard. Jacquie et John n’ont plus le droit de voir leurs deux enfants, ont l’interdiction de les contacter. Ils ont désormais été adoptés légalement par une autre famille.
Leur histoire n’est pas une simple erreur judiciaire, grave mais rare. Elle est la conséquence de la dérive d’un système, démonté par ce documentaire.
Les enfants perdus d'Angleterre (2019)
Le documentaire diffusé la semaine dernière s'intéresse au devenir de ces enfants arrachés abusivement à leurs familles.
Deux sœurs enlevées définitivement à leur père pour s'être disputées
Le documentaire commence par l'exemple d'un père, français, qui vivait seul en Angleterre avec ses deux filles. Un jour, les filles se disputent à la maison et s'échangent des coups de balais. L'une d'elles le raconte à l'école, qui prévient les services sociaux par « précaution ». Régis est arrêté par la police, ses filles lui sont immédiatement arrachées.
Il ne les reverra plus jamais. Elles seront trimbalées d'une famille d'accueil à une autre, jusqu'à être séparées l'une de l'autre. Leurs cris de détresse suppliant à qui veut l'entendre de retourner chez leur père ne seront jamais entendus. Tous les combats de ce dernier seront vains.
Une fille placée abusivement, privée de son père, suicidée à 16 ans
Autre exemple désastreux, celui de Rebecca, maltraitée par sa mère puis placée en famille d'accueil et en foyer au lieu de pouvoir retourner chez son père, séparé de la mère. Elle sera victime de graves violences et de négligences, privée de scolarisation à cause de ses nombreux changements d'environnement. Son père n'apprendra qu'après le suicide de sa fille l'enfer qu'elle aura vécu.
Le « bien-être » des enfants placés
En théorie, le placement d'un enfant est censé être ordonné pour le protéger de maltraitances et lui fournir un devenir meilleur que s'il restait dans sa famille d'origine. Le documentaire montre à quel point la réalité est plus sinistre que ce principe désormais totalement perverti.
C'est la double peine. Des enfants sont arrachés à leurs parents alors qu'ils n'étaient pas maltraités et qu'ils s'y développaient de manière tout à fait normale. Encore pire, en plus du traumatisme d'être enlevés à leurs parents aimants, ils se retrouvent dans des familles d'accueil où ils sont, cette fois, réellement maltraités.
Certains de ces enfants, aujourd'hui devenus adultes, racontent comment ils ont pu être placés dans des familles dangereuses, déjà connues des services sociaux. Bourrés de somnifères pendant la nuit, attachés au lit, laissés seuls dans la forêt des heures durant pour leur « éducation ».
La situation dans les « foyers » est encore plus dramatique. Laissés à l'abandon, ils sont victimes de violences physiques et sexuelles dans l'indifférence générale. Leur enfance est détruite, volée. Changeant constamment de lieu, ils sont peu ou pas scolarisés. Leur éducation est inexistante. Leur vie d'adulte est à jamais ravagée par le placement.
Le business juteux du placement
En Grande-Bretagne, le système de protection infantile est de plus en plus confié à des entreprises privées. Animées par un besoin de rentabilité maximale, ces multinationales qui se sont développées dans le secteur de la guerre se diversifient en construisant des foyers. Ils les construisent dans le Nord de la Grande-Bretagne, là où le foncier est moins cher. Ces foyers sont cependant loin de la région de Londres d'où viennent la plupart des enfants placés. Les violences de la part des enfants plus âgés, ou des encadrants mal formés, y sont légion. L'État britannique dépense un milliard de livres chaque année dans les foyers. L'utilisation de cet argent par les entreprises semble être bien peu contrôlée.
Le documentaire dénonce aussi la manière dont des milliers d'enfants placés sont la proie facile de réseaux d'exploitation sexuelle, sous la passivité voire la complicité des autorités locales.
Il y a quelques mois, un documentaire de France 3 révélait aussi les violences insoutenables infligées aux enfants placés, cette fois-ci, en France.
Une maltraitance institutionnelle dénoncée par l'ONU
En 2016, l'ONU dénonçait ces dérives, sans qu'il n'y ait toutefois aucun changement. L'ONU rappelle pourtant la nécessité de respecter les droits fondamentaux des enfants, selon lesquels l'enfant doit toujours évoluer dans sa famille biologique. En cas de difficultés éducatives, c'est une véritable aide sociale, et non pas une sanction destructive comme un placement, qui doit être fournie.
Le retrait de l'enfant à sa famille est une solution radicale, de dernier recours, lorsqu'il n'existe aucune autre possibilité, et lorsque l'évaluation de la situation a été complète et rigoureuse. Aujourd'hui, force est de constater que les enfants sont enlevés à la va-vite, sans aucun discernement, et sans aucune considération pour l'intérêt réel de l'enfant.
Il faut aussi noter que si ces situations dramatiques perdurent depuis aussi longtemps en Grande-Bretagne, c'est parce qu'il est interdit aux parents victimes d'en parler publiquement. Ceux qui le font sont tout simplement jetés en prison. Les jugements des tribunaux familiaux sont rigoureusement secrets.
C'est une véritable maltraitance institutionnelle qui est infligée à des enfants fragiles, par les mêmes institutions qui se targuent de « tout faire pour les protéger ».
« Pour le bien de l'enfant »
Le système de protection de l'enfance est bâti sur deux hypothèses :
- L'État sait mieux que quiconque lorsqu'un enfant ne doit plus être avec ses parents.
- Dans ces conditions, l'enfant sera mieux ailleurs que chez ses parents.
Ces documentaires montrent, qu'en Grande-Bretagne mais ailleurs également, la réalité est bien plus sinistre. D'une part, quantité d'enfants sont retirés injustement à leurs familles alors qu'ils s'y développaient parfaitement bien et qu'ils n'encouraient aucun danger. D'autre part, après un placement abusif, leur situation à long terme devient catastrophique, voire fatale.
Les Droits de l'Homme, et surtout les Droits des Enfants, sont bafoués de manière routinière dans l'indifférence générale. Les médias britanniques traitent régulièrement du sujet, mais les familles et les enfants continuent d'être détruits tous les jours.
Il ne faut pas croire que la Grande-Bretagne est une exception. La situation est également catastrophique en France et dans les autres pays occidentaux. Si les enfants ne peuvent pas encore être enlevés indéfiniment à leurs parents en France (l'adoption définitive des enfants placés est une caractéristique du système britannique), ils le sont malgré tout pendant des mois ou des années. Les séquelles psychologiques à long terme sont tout aussi désastreuses.
Sources :