Ce mercredi 16 janvier 2019, France 3 diffuse une grande enquête et un débat au sujet des graves dysfonctionnements de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE).
Les enfants placés, normalement retirés à leurs parents pour leur propre sécurité, se retrouvent dans des structures où ils sont parfois maltraités au lieu d'être protégés. Victimes de violences dans leurs familles d'accueil ou dans des foyers, ils sont livrés à eux-mêmes dans l'indifférence générale. Les contrôles des adultes en charge de leur protection sont défaillants, ce qui conduit à des dérives inadmissibles (manquements éducatifs, détournements d'argent...). Le devenir des enfants placés est quant à lui catastrophique (un SDF sur quatre est un ancien enfant placé), alors que chacun des 300 000 enfants placés en France coûterait au total jusqu'à un million d'euros à l'État !
Tout cela, Lyès Louffok le dénonce depuis des années. Ancien enfant placé, il a été victime de maltraitances terribles en famille d'accueil et en foyer, racontées dans son livre « Dans l'enfer des foyers » aux éditions J'ai Lu. Il milite aujourd'hui pour une prise de conscience globale de ces défaillances, et pour une réforme en profondeur de la protection de l'enfance en France :
« Dans la société, on pense qu'un enfant qui est placé au sein des services d'aide sociale à l'enfance est protégé, qu'il est dans un foyer éducatif avec des professionnels autour de lui ou dans une famille d'accueil, qui a été formée pour cet accueil et qui va apporter des bases solides à un enfant, sauf que ce n'est pas toujours le cas. (...) Je n'en peux plus que des enfants, qui sont censés être protégés par l'Etat, soient encore victimes de violences sexuelles, de violences psychologiques, de violences physiques de la part de professionnels et ça, c'est inadmissible. »
Briser l'omerta
En ce qui nous concerne, nous dénonçons depuis la création de notre association des dysfonctionnements graves au niveau de la protection de l'enfance, où des enfants atteints de symptômes spécifiques sont considérés à tort comme des enfants maltraités et brutalement arrachés à leurs parents, alors que ce sont des pathologies méconnues qui expliquent les symptômes, pathologies que les médecins n'ont pas su détecter. Parler de ces dérives semble tabou dans notre pays, comme tout ce qui concerne la protection de l'enfance.
Le documentaire de France 3 a le mérite de briser lui aussi une omerta au sujet de la protection de l'enfance, concernant cette fois des enfants placés pour de bonnes raisons, mais qui continuent d'être maltraités par des structures publiques alors qu'ils auraient dû au contraire être protégés.
Le placement permet-il réellement le « risque zéro » ?
Par ailleurs, nous constatons que les décisions de placement sont prises très rapidement et facilement suite à des signalements abusifs, même lorsqu'il n'y a aucun élément de danger en dehors de certains symptômes inexpliqués (qui pourraient l'être si le diagnostic médical correct avait été bien posé).
La motivation de ces placements abusifs, c'est le « principe de précaution » et « le risque zéro ». Les services sociaux et la justice ne veulent pas prendre « le moindre risque » de rendre l'enfant à ses parents, l'idée étant que s'il est peut-être maltraité dans sa famille, il sera au moins en sécurité avec certitude une fois placé.
Or, ce que ce reportage et d'autres lanceurs d'alerte démontrent, c'est que les enfants placés sont tout sauf en sécurité ! La maltraitance, les violences, n'épargnent pas les enfants placés, loin de là. Laisser un enfant peut-être maltraité dans sa famille l'expose à un risque d'être de nouveau maltraité, mais le placer l'expose également au risque d'être maltraité par d'autres personnes. La notion de « risque zéro » est donc absurde lorsque l'on se rend compte de la réalité des placements.
C'est sans compter les dommages psychologiques irrémédiables infligés aux enfants arrachés à tort à leurs parents, alors que des maladies et non des violences ont causé leurs symptômes. De fait, nous constatons que l'intégralité des enfants placés à tort dans notre association, même pour des durées relativement « courtes », souffrent de dépression grave du fait d'une séparation brutale et injuste. La petite Louna placée à tort pendant quatre ans alors qu'elle souffrait de la même maladie génétique que sa mère gardera pendant longtemps des séquelles de son placement.
Il est grand temps que les défaillances de la protection infantile en France soient reconnues et que des réformes sérieuses soient entreprises. Il est indispensable pour cela de passer par des enquêtes journalistiques de qualité sur ce sujet, seule manière d'éveiller les consciences d'un public qui est loin d'imaginer la réalité que renferme la « protection de l'enfance » de notre pays.
Sources :
- Enfants placés : les sacrifiés de la République, France TV Info
- Bordeaux : enfants placés, un documentaire “choc” sur France 3
- Un documentaire accablant sur les enfants placés, "sacrifiés de la République", HuffPost
- Enfants placés : Océane, 15 ans, livrée à elle-même dans un hôtel aux portes de Paris. Regardez un extrait de "Pièces à conviction" diffusé mercredi, France TV Info
- Lyes Louffok : "un SDF sur quatre est un ancien enfant placé !", Journal des Femmes