Le New York Times, considéré comme l'un des « plus prestigieux journaux américains », a publié en 2011 un article consacré à la controverse scientifique autour du syndrome du bébé secoué. Huit ans plus tard, la controverse s'est intensifiée, mais il est intéressant de constater à quel point la controverse était déjà vive à l'époque. Nous proposons ici la traduction de quelques extraits.
Cet article pointe déjà quelques erreurs, idées reçues, ou incertitudes qui entourent le diagnostic du syndrome du bébé secoué : au niveau de la datation (il peut y avoir un délai entre le traumatisme supposé et la dégradation de l'état de santé du nourrisson, car des resaignements peuvent se produire accompagnés de symptômes importants), de l'analogie entre le secouement et une chute de plusieurs étages (les forces physiques en jeu sont sans commune mesure), la pertinence diagnostique des hémorragies rétiniennes sévères, la pertinence des thromboses, et la fiabilité scientifique des aveux. Notons enfin cet exemple frappant d'un nourrisson qui a chuté d'une chaise haute, et pour lequel un diagnostic de bébé secoué aurait été posé si la chute ne s'était pas produite devant sept personnes.
Illustration autour d'un cas de resaignements d'hématomes anciens
L'article débute par la description d'un cas que nous résumons ici. C'est celui de Noah, cinq mois, qui a dû être transporté en urgence à l'hôpital en 2009. Rueda, son assistante maternelle, avait dû appeler les secours suite à la dégradation brutale de son état et un arrêt respiratoire. A l'hôpital, au scanner, les médecins ont décelé des saignements sous-duraux et rétiniens. Noah présentait aussi un œdème cérébral. Les médecins en ont déduit que le nourrisson avait été secoué violemment, et ce par la dernière personne présente avec Noah au moment de la dégradation de son état. La mère de Noah a accusé l'assistante maternelle, relayant les conclusions des médecins sur son blog très suivi.
La défense a cité un neurochirurgien qui a estimé que les saignements sous-duraux résultaient en réalité d'un resaignement au sein d'un hématome sous-dural chronique constitué à la naissance. Le médecin de l'accusation a promptement écarté cette option :
« C’est faux, il n’a pas eu un nouveau saignement au sein d'un hématome chronique qui avait été constitué à la naissance », a-t-elle déclaré. « Il n'y avait aucune preuve de cela. »
Ce type d'affirmation est typique des raisonnements communs à ces accusations. L'argument est celui d'un défaut de « preuve » de la part de la défense pour avancer une explication alternative. L'hypothèse de référence est que l'enfant a été secoué, et c'est à la défense de prouver le contraire, ce qui est fondamentalement difficile.
Finalement, Rueda a été condamnée à plusieurs années de prison, et elle a donc été séparée de ses propres enfants.
État de la controverse en 2011
L'article présente l'état de la controverse en 2011 :
Il y a une douzaine d'années, la profession médicale considérait que si la triade composée d'hémorragies sous-durales et rétiniennes et d'un œdème cérébral était présente, sans fractures ni ecchymoses pouvant indiquer par exemple qu'un bébé est tombé accidentellement, alors la maltraitance par secouement était avérée. Dans la dernière décennie, ce consensus a commencé à se fissurer. En 2008, la cour d'appel du Wisconsin, après avoir examiné une affaire de bébé secoué, a écrit qu'il existe un « désaccord intense » parmi les médecins sur le diagnostic du bébé secoué, signalant « un changement dans l'opinion médicale traditionnelle ». La même année, à la demande du médecin légiste en chef de la province, le gouvernement de l’Ontario a entamé l’examen de 142 cas de bébés secoués, en raison de « l'incertitude scientifique qui caractérise actuellement ce diagnostic. »
En Grande-Bretagne, suite à l'annulation de la condamnation d'une mère pour le syndrome du bébé secoué, Peter Goldsmith, alors procureur général, a examiné 88 cas supplémentaires. En 2006, il a fait part de ses doutes concernant trois des condamnations parce qu'elles étaient basées uniquement sur la triade ; dans les autres cas, a déclaré Goldsmith, il existait des preuves supplémentaires montrant la culpabilité de l'accusé.
Un nombre restreint mais croissant de médecins prévient qu'il peut y avoir d'autres explications (infections ou troubles de la coagulation, par exemple) pour la triade de symptômes associés au syndrome du bébé secoué. Dans l’ensemble du pays, le groupe d’avocats qui a réussi à obtenir la révision de la condamnation de centaines de personnes sur la base de preuves ADN est en train de monter maintenant entre 20 et 25 appels contre des condamnations dans des affaires de bébé secoué. « Personne ne veut de la maltraitance sur des enfants », déclare Keith Findley, avocat, membre de l'Innocence Project du Wisconsin. « Mais nous ne devrions pas poursuivre et condamner des personnes dans des cas de bébé secoué à l’heure actuelle, sur la base de la triade de symptômes, sans autre preuve de maltraitance. Si la communauté médicale ne peut s’accorder sur toutes les données et recherches contradictoires, comment un jury peut-il être supposé parvenir à une conclusion hors de tout doute raisonnable ? »
Équivalence avec une chute de plusieurs étages : origines d'une idée fausse
L'article revient sur les origines d'une idée reçue qui perdure encore aujourd'hui. Suivant cette idée, le fait de secouer un bébé serait équivalent en terme de violence à une chute d'une hauteur de plusieurs étages, ou à un choc frontal à une vitesse de 90 km/h. La genèse de cette comparaison qui n'a aucun sens physique remonte à un malentendu :
Une grande partie de la science du syndrome du bébé secoué date de la fin des années 1960, quand un neurochirurgien, Ayub Ommaya, a mené une expérience animale brutale pour comprendre quel niveau d'accélération était nécessaire pour causer une blessure à la tête. Ommaya a pris plus de 50 singes rhésus et les a attachés chacun dans un fauteuil monté sur des roues, laissant leur tête sans soutien. Il a placé la chaise sur une piste de 20 pieds de long, et un piston pneumatique a envoyé les singes s'écraser contre un mur. Quinze d'entre eux ont présenté une sorte d'hémorragie cérébrale. Parmi eux, huit possédaient également des blessures au tronc cérébral ou à la moelle épinière cervicale.
L’expérience d’Ommaya ne comportait ni test de secouement, ni nourrisson. Et pourtant, deux spécialistes en pédiatrie, John Caffey et A. Norman Guthkelch, ont chacun écrit un article présentant ces résultats comme la preuve que des saignements sous-duraux inexpliqués chez les bébés pouvaient se produire sans impact direct à la tête et avec ou sans blessure visible au cou. Dans les années 1980, le terme de « syndrome du bébé secoué » est devenu d'usage très répandu et un programme national de prévention et de sensibilisation a été mis en place.
Alors que le diagnostic de syndrome du bébé secoué s’imposait en médecine, les procureurs ont commencé à l'utiliser pour entamer des poursuites pénales. Les médecins ont témoigné que le secouement pouvait générer une force aussi terrible que de jeter un enfant d'une fenêtre du deuxième étage. Il s'est avéré qu'ils avaient tort.
Doutes biomécaniques : secouement sans impact
Les expériences biomécaniques qui ont suivi ont battu en brèche la comparaison du secouement avec une chute de plusieurs étages. Elles ont également remis en question la possibilité d'infliger les lésions de la triade à un nourrisson, en cas de secouement, mais sans impact. C'est face à ces incertitudes biomécaniques que l'Académie Américaine de Pédiatrie a recommandé de cesser d'utiliser le terme de « syndrome du bébé secoué » pour adopter celui plus général de « traumatisme crânien intentionnel ».
En 1987, une neurochirurgienne du nom de Ann-Christine Duhaime a publié un article incluant les résultats de l'autopsie de treize bébés présentant des symptômes associés au syndrome du bébé secoué. Dans tous les cas, elle a trouvé des preuves d’un traumatisme causé par un impact. Elle a fait équipe avec des ingénieurs biomécaniciens pour créer des mannequins de la même taille que les nourrissons, équipés de capteurs pour mesurer l'accélération. « Nous les avons secoués aussi fort que nous pouvions, et nous pensions que quelque chose n'allait pas, parce que les accélérations que nous avons mesurées étaient étonnamment faibles », déclare Duhaime. Au lieu de cela, le niveau de force est monté en flèche lorsque les testeurs ont laissé tomber les mannequins après les avoir secoués, même s'ils heurtaient une surface molle comme un lit ou un canapé.
Des expériences ultérieures ont confirmé cette découverte et ont amené certains médecins et ingénieurs en biomécanique à devenir sceptiques quant au fait que le seul secouement puisse causer de graves dommages au cerveau ou la mort. En même temps, les expériences n’ont pas exclu cela, selon Duhaime. Entre autres choses, les mannequins ne sont pas des enfants vivants, et alors que leur tête et leur cou mettent en évidence les effets de l'accélération, l'impact sur le tissu cérébral est encore difficile à modéliser.
De nombreux médecins qui s'occupent de la maltraitance infantile disent que des décennies d'observation clinique, ainsi que des aveux, montrent qu’il est possible que les seuls secouements provoquent la triade constituée par les hémorragies sous-durales et rétiniennes et l’œdème cérébral. Un document de synthèse publié en 2009 par l’Académie Américaine de Pédiatrie, écrit par Cindy Christian, recommande aux médecins d'utiliser le terme plus général de « traumatisme crânien intentionnel », mais qualifie également le secouement comme un « mécanisme important » de ce traumatisme.
De nombreux médecins qui témoignent pour la défense sont d'accord avec le fait que le secouement pourrait en théorie causer la triade de symptômes, mais seulement en cas de blessure également au cou ou à la moelle épinière, « où se situe le centre de contrôle de la respiration », comme le dit un médecin. C’est l’absence de ce type de lésion qui rend certains cas de bébés secoués particulièrement problématiques.
Nouvelle compréhension des mécanismes pathophysiologiques et révisions de condamnations
L'article se poursuit avec le récit d'un cas de bébé secoué pour lequel l'évolution de la compréhension du mécanisme pathophysiologique s'est traduit par la victoire de la défense, en appel, plusieurs années après une première condamnation. Initialement, la compréhension était que les symptômes graves devaient être immédiats car ils résultaient de la rupture des fibres nerveuses cérébrales lors du traumatisme. De ce fait, la personne présente au moment où l'enfant voyait sa santé se détériorer brutalement était nécessairement considérée comme coupable. C'est ce qui avait valu la condamnation initiale de la nounou Audrey Edmunds à 18 années de prison prononcée en 1996. Après une décennie, on a compris que les lésions cérébrales résultaient plutôt d'une privation d'oxygène, et qu'elles pouvaient mettre plus de temps à s'installer après le traumatisme éventuel. L'hypothèse qui avait fondé la condamnation d'Edmunds à 18 années de prison ne tenait plus et un nouveau procès s'est ouvert, à l'issue duquel les charges contre elle ont été abandonnées :
Dans une étude de 2001, la neuropathologiste britannique Jennian Geddes a découvert que la plupart des bébés présentant la triade de symptômes du bébé secoué ne souffraient pas d'une rupture des fibres nerveuses du cerveau mais plutôt d’un manque de sang causé par une privation d’oxygène des cellules du cerveau.
La rupture des fibres nerveuses du cerveau est immédiate et produit un coma instantané ; les effets de la privation d'oxygène peuvent être plus lents et plus subtils. Cela peut expliquer pourquoi un enfant avec la triade de symptômes du bébé secoué peut, pendant un certain temps, sembler irritable ou léthargique ou arrêter de manger ou de bien dormir. En 2005, Christian a co-écrit une étude qui a conclu, que « bien que cela soit peu fréquent, les jeunes victimes d'un traumatisme crânien mortel peuvent présenter un intervalle libre avant la mort. »
Cette possibilité pose des questions quant au fait de savoir si la dernière personne à s’occuper d’un enfant avant qu'il ne arrête de respirer est nécessairement coupable de maltraitance. Dans la plupart des cas d'agression ou de meurtre, les jurés pourraient peser ce doute à la lumière d’autres preuves (témoignage de témoins, peut-être), ou parce que l'accusé avait de fortes raisons de commettre le crime. Dans les cas de bébé secoué, cependant, ce type de preuve supplémentaire est souvent absent. Les doutes qui peuvent être soulevés à propos des témoignages médicaux pèsent lourd car ils jouent un rôle central dans les poursuites.
À l’audience d’Edmunds pour un nouveau procès, cinq médecins rejoignirent Huntington du côté de la la défense. Face à eux se trouvaient quatre médecins, du coté de l'accusation. La cour d'appel du Wisconsin a estimé en janvier 2008 que le désaccord entre les médecins représentait un changement dans l'opinion médicale et justifiait un nouveau procès : un jury devrait entendre les deux parties. Edmunds a appelé ses filles pour leur dire qu'elle rentrait à la maison. Six mois plus tard, les procureurs ont abandonné les charges retenues contre elle.
Des explications alternatives pour les thromboses
Après l'analyse du cas de Louise Woodward, l'article présente les propos de Patrick Barnes, radiologue spécialisé en neurologie pédiatrique. Ce professeur de l'Université de médecine de Stanford expose différentes causes naturelles possibles de thromboses :
L’avocat de Trudy Rueda a demandé à Barnes d’examiner les scanners cérébraux de Noah Whitmer avant son procès. Barnes n'a pas pu témoigner à la barre pour des raisons d'emploi du temps, mais il dit que les scanners indiquent que le bébé avait une thrombose - un caillot de sang dans un vaisseau sanguin. Les médecins de l'accusation ont également vu la thrombose, mais ils ont affirmé qu'elle résultait d'une maltraitance. Pour Barnes, le caillot résulte d'un accident vasculaire, qui peut être déclenché par une infection. Il dit que le fait que Noah ne prenait pas le biberon ou ne faisait pas la sieste normalement dans les jours précédant son hospitalisation suggère que son état aurait pu être en train de se détériorer subtilement pendant cette période. « C'est un modèle très frappant », dit Barnes à propos de la thrombose. « Le fait que le bébé ne mange pas bien peut refléter le processus qui débute ainsi. Habituellement, ce n’est pas un processus qui se produit de manière intense avec une dégradation soudaine. Cela peut commencer relativement lentement. »
Une chute se produit devant sept témoins et écarte un diagnostic de secouement
L'article revient sur une anecdote intéressante. Un nourrisson aurait très certainement été considéré comme secoué si sa chute n'avait pas eu lieu devant sept personnes :
Dans une certaine mesure, certaines des explications alternatives fournies par les médecins de la défense sont acceptées dans le domaine de la maltraitance infantile. Un manuel de 2009 coédité par Cindy Christian contient une présentation des maladies et des blessures accidentelles pouvant imiter les effets d'un traumatisme crânien infligé. Leventhal, le pédiatre de Yale, m'a parlé d'un cas inhabituel impliquant une chute accidentelle. « Un enfant qui était assis dans une chaise haute, a posé ses pieds sur la table devant lui et s’est balancé en arrière », a déclaré Leventhal. « Quand l'enfant a été emmené à l’hôpital, l’ophtalmologiste a déclaré: "C’est un bébé secoué", en raison d'hémorragies rétiniennes massives. Par chance, il y avait sept personnes qui jouaient aux cartes dans la pièce lorsque le bébé est tombé. » Leventhal a poursuivi: « L’hématome sous-dural a continué de saigner et il s’est avéré qu’il avait un trouble de la coagulation antérieur. »
Contestation du diagnostic de secouement en cas d'hémorragies rétiniennes sévères
L'article aborde aussi la controverse autour de la portée diagnostique des hémorragies rétiniennes « sévères » :
C’est sur cette question des causes probables que les médecins qui témoignent ont des avis divergents. Les experts de l’accusation s’appuient sur un ensemble d’études qui indiquent que lorsque les enfants présentent des hématomes sous-duraux et des hémorragies rétiniennes étendues, ils sont beaucoup plus susceptibles d'avoir été violentés que blessés de toute autre manière. Dans un article de 2010 en pédiatrie, Christian et l'ophtalmologiste pédiatrique Alex Levin ont conclu que les preuves en faveur de la « spécificité diagnostique » des hémorragies rétiniennes « sévères » ont considérablement augmenté. « Certains enfants ont des hémorragies rétiniennes si graves qu’il est beaucoup plus probable qu'elles résultent d'un traumatisme crânien infligé », m'a dit Christian. Elle a témoigné en ce sens lors du procès de Rueda, parce que Noah Whitmer avait des hémorragies rétiniennes sévères. Levin a, de façon similaire, qualifié les saignements rétiniens de Natalie Beard comme étant de « type sévère » lorsqu’il a témoigné pour l'accusation, lors de l’audience d’Audrey Edmunds en 2007. Lorsque le procureur lui a demandé quelle était l'importance de ces résultats pour le diagnostic de syndrome du bébé secoué, Levin a répondu: « Très important. Nous n'avons vraiment pas d'autre cause pour ce type particulier d'hémorragies et de lésions rétiniennes. »
Les experts de la défense cependant critiquent la méthodologie de ces études. Et même en les admettant comme valables, ils disent que les études montrent que les hémorragies rétiniennes sévères sont beaucoup plus courantes dans les cas de maltraitances, pas que cela n’a jamais été trouvé dans aucune autre circonstance. Lors de la réunion de 2010 de l’Académie Américaine de Médecine Légale, le médecin légiste canadien Evan Matshes a présenté les résultats d’une étude, en cours d’examen par des pairs, de 123 autopsies pratiquées sur des nourrissons dans le comté de Miami-Dade décédés dans des circonstances naturelles ou accidentelles, ou d'homicides. Parmi les enfants atteints d’hémorragies rétiniennes, 53% sont décédés de causes accidentelles ou naturelles et 47% sont décédés des suites d’un homicide. Des hémorragies rétiniennes sévères étaient identifiées chez certains des enfants du groupe des accidents. Bien que les enfants dans le groupe des homicides étaient plus susceptibles d'avoir des hémorragies rétiniennes sévères que les autres groupes, cette constatation pourrait s'expliquer par des facteurs autres que la maltraitance, selon Matshes. Les enfants du groupe des homicides avaient des blessures à la tête isolées et étaient plus susceptibles d’avoir été réanimés pendant un certain temps, dit-il. En conséquence, ils étaient plus susceptibles de développer un œdème cérébral et des troubles hémorragiques pouvant expliquer les hémorragies rétiniennes sévères. Matshes formule ses conclusions comme suit : « Il est tout simplement inexact de dire que les hémorragies rétiniennes sévères permettent de poser un diagnostic de maltraitance ou de secouement. »
Il travaille actuellement sur une étude qui porte sur des nourrissons atteints d'hémorragies sous-durales et rétiniennes. Il s'agit de vérifier s'ils pourraient en réalité être blessés au cou, ce qui pourrait indiquer des secouements qui ne sont pas détectés, parce que les médecins n'ont pas cherché ces blessures au cou au bon endroit. Matshes et son équipe procèdent à des autopsies de la totalité de la colonne cervicale, qui n'est généralement pas disséquée dans les cas de bébés secoués. Le but est de déterminer si possible, à l'aide de telles blessures, comment les secouements peuvent causer des lésions cérébrales ou la mort, et si cet outil de diagnostic supplémentaire pourrait un jour aider à distinguer quels bébés ont fait l'objet de violences, et quels sont ceux donc les saignements sous-duraux et rétiniens sont provoqués par d'autres causes.
Les doutes sur la crédibilité des aveux
L'article aborde ensuite des questions d'ordre psychologique, et notamment la fiabilité des aveux :
À l’affrontement provoqué autour de la recherche médicale sur le syndrome du bébé secoué s'en ajoute un autre, qui questionne la nature humaine. Quelle est la probabilité qu'un adulte sans antécédents d'actes répréhensibles puisse faire autant de mal à un enfant en le secouant violemment ? Pour des pédiatres tels que Leventhal et Christian, la triste réponse à cette question, née de l'expérience, est qu'un tel acte est tout à fait possible. Quand j'ai décrit le cas de Trudy Rueda à Leventhal, il m’a raconté des affaires dans lesquelles il avait rencontré un parent ou un garde d'enfant, très aimable, qui avait pourtant fini par avouer avoir fait du mal à un enfant. N'y avait-il vraiment aucune indication que l'adulte en question était capable d'un tel acte ? Les médecins qui suivent les enfants maltraités ont insisté sur le fait que parfois, il n'y en a pas. Ils ont décrit des aveux troublants, comme ceux qui ont fait les gros titres en Floride l’année dernière quand une mère de 22 ans a déclaré à la police qu’elle avait secoué son bébé de trois mois et lui avait peut-être infligé un choc à la tête, parce qu’il n'arrêtait pas de pleurer pendant qu'elle jouait à FarmVille. Leventhal cite une étude de 2010 incluant 29 personnes qui ont confessé avoir secoué des enfants devant des tribunaux français et qui ont décrit leur geste comme extrêmement violent.
Cependant, des médecins tels que Barnes, au contraire, soulignent que les aveux ne sont pas toujours fiables. Les exonérations de ces dernières années ont montré que les gens admettent parfois à tort des crimes en raison de la pression de la police ou des promesses associées à une stratégie de plaider-coupable. Dans le premier cas de l’enquête canadienne sur le bébé secoué porté devant la Cour d’appel de l’Ontario, les juges ont annulé la condamnation de Dinesh Kumar, un père âgé de 44 ans qui avait reconnu avoir secoué son fils et entraîné sa mort, la défense ayant plaidé coupable. Kumar dit maintenant qu’au moment de son plaidoyer de culpabilité, à l'époque, il n’avait aucun espoir de vaincre le témoignage accablant du pathologiste de l’État. Ce témoignage a depuis été discrédité car parsemé d’erreurs et basé sur des autopsies bâclées.