Le PCAST est le President's Council of Advisors on Science and Technology, ou le « comité de conseil en science et technologie » de la présidence des États-Unis. Ce comité est composé de 18 membres reconnus (scientifiques, médecins, professeurs, ingénieurs), nommés directement par le Président des États-Unis, et provenant d'institutions de recherches, industrielles, ou non-gouvernementales.
Le comité propose des recommandations dans des domaines scientifiques et technologiques pour éclairer le président américain sur ses grands choix stratégiques et sociétaux.
Le comité actuel a été mis en place par le Président Obama en 2010. L'administration Trump n'a pas encore procédé au renouvellement de ce comité.
Sous la présidence Obama, ce comité a rendu un rapport tous les 3 mois environ, sur des sujets aussi divers que la résistance aux antibiotiques, le vaccin contre la grippe, le changement climatique, la sécurité des approvisionnements en eau potable, ou encore le maintien du leadership stratégique américain dans le domaine des semi-conducteurs.
Rapport sur la police scientifique, 2016
Le 20 septembre 2016, le PCAST a rendu un rapport de 174 pages intitulé : « Rapport sur la police scientifique dans les tribunaux criminels : évaluation de la validité scientifique des méthodes par comparaison de caractéristiques ». Ce rapport a eu un fort retentissement parmi les institutions concernées par la police scientifique, la justice, la médecine légale, puisqu'il provient directement du conseil scientifique du président des États-Unis.
Ce rapport a été assez critique du manque de rigueur scientifique dans la plupart des techniques utilisées dans les tribunaux criminels. Les associations d'avocats et les Innocence Project se sont félicités de ce rapport, tandis que le FBI et le Ministère de la Justice l'ont critiqué.
Pour des raisons de temps et de ressources, ce rapport s'est seulement focalisé sur l'ADN, les traces de morsures, les empreintes digitales, l'identification des armes à feu, et l'analyse des traces de pas. Le rapport note néanmoins qu'il y a d'autres domaines de la police scientifique et de la médecine légale qui pourraient tout autant faire l'objet d'un examen minutieux de leurs fondements scientifiques.
Le PCAST s'inquiète du syndrome du bébé secoué
C'est dans ce contexte que le syndrome du bébé secoué, qui n'a pas été évalué dans ce rapport, y est néanmoins brièvement mentionné dans une note de bas de page de l'introduction (page 23) :
Le PCAST note qu'il y a des problèmes relatifs à la validité scientifique d'autres types de preuves médico-légales qui vont au delà du cadre de ce rapport, mais qui nécessitent une attention urgente. Elles incluent notamment la science des incendies criminels, et les traumatismes crâniens infligés, généralement désignés sous le terme de « syndrome du bébé secoué ».
Cette note sous-entend que le comité s'inquiète également de la fragilité scientifique du diagnostic du syndrome du bébé secoué, comme de celle de beaucoup d'autres techniques et diagnostics de la police scientifique et de la médecine légale. Il faut noter que ce rapport a été rendu un peu avant la publication du rapport de l'agence de santé suédoise qui a précisément conclu à la mauvaise qualité des preuves scientifiques de ce diagnostic.
Le PCAST rappelle l'importance de la démarche scientifique dans les expertises
Le PCAST revient aussi sur les motivations de l'audit qu'il a mené dans un addendum :
Le système légal des États-Unis reconnaît que les méthodes scientifiques peuvent assister la recherche de la justice, en révélant une information et en permettant des inférences qui se situent au-delà de l'expérience des observateurs ordinaires. Mais, précisément parce que les conclusions sont potentiellement si puissantes et persuasives, la loi requiert que le témoignage scientifique soit basé sur des méthodes qui soient scientifiquement valides et fiables.
En effet, dans la mesure où les expertises disposent d'un poids considérable et peuvent avoir valeur de preuves, il est absolument fondamental de s'assurer qu'elles résultent d'un processus scientifique parfaitement rigoureux.
Le PCAST rappelle les principes de base de la méthode scientifique
Dans son rapport, le PCAST cite à titre d'exemple la définition de la méthode scientifique telle qu'énoncée par le dictionnaire Oxford en ligne :
Une méthode ou procédure qui a caractérisé les sciences naturelles depuis le dix-septième siècle, basée sur des observations systématiques, des mesures, des expérimentations, et la formulation, le test et la modification d'hypothèses.
Le PCAST donne plus de précisions :
La validité et la fiabilité scientifique nécessitent que la méthode ait fait l'objet d'un test empirique, dans des conditions appropriées à son usage, qui fournisse des estimations fiables de la fréquence à laquelle la méthode parvient à des conclusions erronées. [...]
Rien, aucune formation, aucune expérience personnelle ou pratiques professionnelles, ne peuvent se substituer à la démonstration empirique adéquate de fiabilité. [...]
Une assertion empirique ne peut pas être considérée comme validée scientifiquement tant qu'elle n'a pas été testée empiriquement.
Fondamentalement, de bonnes pratiques professionnelles telles que l'existence de sociétés professionnelles, de programmes de certification, de programmes d'accréditation, d'articles revus par des pairs, de protocoles standardisés, de tests de compétence, de codes éthiques, ne peuvent se substituer à des preuves relevant d'une démarche scientifique. [...] Par exemple, ces pratiques sont employées à la fois dans des disciplines scientifiques, mais aussi pseudo-scientifiques.
Autrement dit, pour le comité, rien ne remplace la démarche scientifique, pas même toute l'expérience du monde. Or, les médecins qui établissent les diagnostics de maltraitance admettent volontiers l'inadéquation de la démarche scientifique à ce type de diagnostic, mais ils estiment que leur expérience et leur intuition professionnelle la remplacent largement.
La démarche scientifique est mise de côté par la Haute Autorité de Santé
Justement, en 2017, l'argumentaire de la Haute Autorité de Santé sur le syndrome du bébé secoué comporte la phrase suivante :
Il a été pris en compte par le groupe travaillant sur les mécanismes causaux, dont les résultats ont permis l’élaboration de critères diagnostiques de secouement, que l’étude du syndrome du bébé secoué se prêtait mal à la méthode de la médecine basée sur les preuves.
La méthode de la médecine basée sur des preuves a justement pour but d'introduire une démarche scientifique dans l'évaluation des connaissances médicales.
Dans le même temps, le rapport de la Haute Autorité de Santé note le caractère « certain » du diagnostic de maltraitance dans certaines conditions (notamment la présence d'hématomes sous-duraux et d'hémorragies rétiniennes).
Comment peut-on aboutir à la « certitude » prétendument scientifique d'un diagnostic, et reconnaître dans le même temps que la démarche scientifique ne s'y applique pas ?
Sources :