Nous proposons la traduction d'un article paru dans le quotidien britannique Mirror le 25 août 2018.
Une mère a été accusée du syndrome du Münchhausen par procuration, mais c'est finalement le syndrome d'Ehlers-Danlos qui a été diagnostiqué chez sa fille. Ce syndrome peut causer des bleus inexpliqués.
Deux mères aimantes ont raconté comment elles ont été suspectées d'avoir maltraité leurs enfants après que ces derniers aient été victimes d'une maladie rare et sévère.
Les deux mères ont eu peur que leurs enfants soient placés après avoir été accusées du syndrome de Münchhausen par procuration. Ce syndrome concerne des parents prétendant que leur enfant est malade pour tenter d'expliquer des blessures ou des symptômes de violences ou de négligence.
Il a fallu de nombreux mois avant que la vraie pathologie des enfants ne soit acceptée par les services sociaux.
Dans les deux cas, les enfants ont été diagnostiqués avec le syndrome d'Ehlers-Danlos, qui peut aboutir à des bleus inexpliqués, des luxations, et des problèmes gastriques.
Une association a révélé que 15 familles atteintes du syndrome d'Ehlers-Danlos sont suspectées chaque année dans le Royaume-Uni.
Dans le premier cas, les services sociaux ont sollicité une ordonnance de placement suite à des inquiétudes concernant une fillette de cinq ans.
Mais un juge a rejeté cette demande, et un moins plus tard seulement, la fillette a reçu le diagnostic du syndrome d'Ehlers-Danlos.
Sa mère, qui souhaite garder l'anonymat, a dit :
« C'était absolument terrifiant. Je me sentais impuissante, j'avais l'impression que je ne m'en sortirais jamais. Des accusations comme celle-là ne vous quittent jamais, même après que vous soyez innocentés. C'était si stressant, je ne trouve même pas les mots pour décrire ce par quoi nous sommes passés. Nous avions l'impression d'être attaqués. Nous avons demandé de l'aide à l'école de ma fille au sujet de ses problèmes gastriques, et juste après nous apprenions que les services sociaux nous accusaient d'inventer sa maladie. Cela a été absolument dévastateur et nous a détruit. Cela fait deux ans et je ne m'en suis toujours pas remise. »
Elle milite désormais pour que les médecins et les services sociaux reçoivent une formation spéciale pour reconnaître le syndrome d'Ehlers-Danlos et pour prévenir d'autres parents aimants d'être accusés à tort.
Dans le second cas, une enseignante a aussi été accusée du syndrome de Münchhausen par procuration.
Les services sociaux ont prétendu que la mère de 32 ans inventait la maladie de son fils, malgré le diagnostic posé par un médecin de Harley Street.
Les services du conté de Hampshire ont été obligés de s'excuser auprès de la mère, qui est aussi atteinte de la maladie héréditaire du syndrome d'Ehlers-Danlos.
La mère célibataire, qui souhaite aussi garder l'anonymat, a dit :
« J'ai vécu un pur enfer. C'est le pire cauchemar de tout parent que d'être accusé de faire du mal psychologiquement à votre enfant, alors que tout ce que vous voulez, c'est son bien-être. J'ai eu des insomnies quand je craignais que mon fils allait m'être enlevé, et même après des excuses, je nettoie constamment la maison au cas où quelqu'un frapperait à la porte. Savoir que votre enfant a un handicap reconnu et être soudain accusée « d'inventer » ses symptômes est horrible. »
La procédure de trois mois a débuté en décembre dernier lorsqu'elle a demandé de l'aide aux services sociaux au sujet d'un problème familial différent.
Dans une lettre à la mère datant de février, les services du comté de Hampshire ont reconnu « des inexactitudes factuelles » dans le rapport des services sociaux, mais ils ont dit qu'aucune action n'avait été faite.
Pire, les services ont accidentellement envoyé les papiers, comprenant des détails médicaux sensibles, à la mauvaise adresse.
Des représentants d'association disent que le signalement contre les parents peut être expliqué par un manque de formation. Kay Julier, du groupe de soutien EDS UK, dit :
« La méconnaissance totale du syndrome d'Ehlers-Danlos conduit à de nombreuses difficultés pour les familles. Le plus difficile est l'accusation contre des parents inventant une maladie de leur enfant, alors qu'ils essayent de faire de leur mieux en consultant pour des symptômes physiques tout à fait réels de leur enfant. »
Un spécialiste reconnu dit que les pédiatres ignorent parfois l'existence même du syndrome d'Ehlers-Danlos.
Le Professeur Rodney Graeme, un ancien consultant en rhumatologie à l'Hôpital Guy, à Londres, dit :
« Je pense que l'une des raisons pour lesquelles ce syndrome est si peu considéré est qu'il s'agit d'une maladie très complexe qui affecte de si nombreux systèmes différents du corps que certains médecins pensent que cela est impossible. Les pédiatres ne le diagnostiquent pas toujours parce qu'il n'y a pas assez d'informations autour de ce syndrome. »
Les services sociaux ont des difficultés à arbitrer les cas de maltraitance, et ils ont été critiqués pour une série de défaillances dans lesquelles les signaux n'ont pas été suivi d'effets assez tôt.
Cela inclut les cas tragiques à Londres des enfants maltraités Baby P et Victoria Climbie, qui sont toutes deux décédées. Mais le chercheur Andy Bilson a réalisé des recherches montrant que les recommandations de l'institut national de santé « NICE » peuvent conduire des parents innocents à faire l'objet de signalements abusifs.
Andy, professeur émérite en action sociale à l'Université du Central Lancashire, affirme que les professionnels de santé ne sont pas assez formés sur la manière de déterminer la causes de bleus chez des enfants.
Il a trouvé que 91 sur 152 concils en Angleterre ont des recommandations spécifiques sur la manière dont le personnel doit réagir face à des suspicions de maltraitance.
Ses recherches ont déterminé que 70 parmi eux ne donnent pas la liberté aux personnels de santé en contact avec les patients, comme les médecins et infirmières, d'exercer leur propre jugement sur la manière dont un bleu a été causé. Au contraire, on leur recommande d'envoyer les familles à des pédiatres dans les 24 heures.
Et dans cinq zones, Kirklees, Wakefield, Bradford, Calderdale, et Sunderland, une enquête formelle de protection doit être déclenchée dès qu'il y a un seul bleu chez un enfant qui ne peut pas encore marcher ou ramper.
M. Bilson dit :
« Je pense que les travailleurs sociaux risquent de prendre de mauvaises décisions en suivant des recommandations trompeuses. Je pense que les recommandations qui disent que les bleus sont très rares chez les jeunes bébés sont mauvaises. Les bébés peuvent rouler, tomber d'un sofa, ou être frappé avec un jouet par des frères et sœurs plus grands. »
Concernant le second cas, un porte-parole du comté de Hampshire a dit :
« Lorsqu'il y a des inquiétudes au sujet de la santé et du bien-être des enfants, il est de notre devoir d'y répondre et d'enquêter. Dans ces cas-là, les travailleurs sociaux dépendent nécessairement des preuves des professionnels de santé et des autres services. Lorsque nous sommes informés d'erreurs, nous prenons des actions immédiates pour les corriger, comme nous l'avons fait dans ce cas-là. De même, toute fuite de données est signalée et fait toujours l'objet d'enquêtes sérieuses. Des actions sont prises pour réduire le risque que cela se reproduise. Bien que nous ne puissions pas commenter des cas individuels, nous pouvons confirmer que nous avons répondu aux problèmes soulevés et que les actions nécessaires ont été prises. »
Sources :