Les auteurs du rapport suédois ont publié un nouveau commentaire suite aux critiques de leur rapport. Ils expliquent une nouvelle fois, à l'aide d'un exemple basé sur le tabagisme, la faille méthodologique du raisonnement circulaire que l'on retrouve dans une grande partie de la littérature clinique sur le syndrome du bébé secoué.
Un test de diagnostic peut prouver n'importe quoi si vous utilisez des hypothèses incorrectes et un raisonnement circulaire
Niels Lynøe, Anders Eriksson. Juillet 2018.
Depuis la publication suédoise présentant une revue systématique de la littérature sur l'exactitude diagnostique de la triade pour le syndrome du bébé secoué, plusieurs auteurs ont commenté les arguments ayant conduit à considérer que la plupart des études antérieures avaient un risque élevé de biais. L'argument principal est que les scientifiques ont utilisé les jugements cliniques des équipes de protection infantile comme test de référence pour la classification des cas de bébés secoués. Puisque les tests diagnostiques dépendent de ce test de référence, le résultat sera un risque élevé de biais. Cela peut aussi aboutir à un raisonnement circulaire, qui survient lorsque quelqu'un tente de démontrer une théorie en partant du principe que ce qu'il essaie de prouver est vrai.
Historiquement, les jugements cliniques des équipes de protection de l'enfance et les tests diagnostiques reposaient tous deux sur l'hypothèse que la triade, constituée par l'hématome sous-dural, les hémorragies rétiniennes et l'encéphalopathie, en l'absence de signe d'impact, permet de déterminer l'existence d'un secouement violent. Des critiques ont été faites par des personnes qui admettent que le raisonnement circulaire est réellement un problème, tandis que d'autres ont soutenu que ce type de biais n'était pas un problème. Il y a aussi des personnes qui semblent avoir mal compris en quoi consiste le raisonnement circulaire. De toute évidence, il est nécessaire de clarifier les effets néfastes d'hypothèses de base incorrectes lorsqu'elles sont combinées avec un raisonnement circulaire.
Explication du raisonnement circulaire à l'aide d'un scénario fictif
Utilisons un exemple simplifié pour expliquer cela. Imaginez que la plupart des pneumologues cliniques croient que tous les patients atteints d'un cancer du poumon ont nécessairement fumé à un moment donné de leur vie. Sur la base de cette hypothèse, un pneumologue conclurait qu'un patient atteint d'un cancer du poumon ment s'il nie avoir fumé, et cette détermination serait considérée comme étant le test de référence. Afin de savoir si les patients disaient la vérité, les scientifiques pourraient considérer la présence du cancer du poumon comme un test diagnostique pour identifier les personnes qui mentent sur le tabagisme. Étant donné qu'il n'y a pas de différence entre le test de référence et le test de diagnostic, tous les patients atteints d'un cancer du poumon seraient classifiés comme de vrais cas positifs en ce qui concerne le tabagisme (Tableau 1). L'efficacité du test diagnostique pour prédire les fumeurs passés ou présents chez les patients atteints d'un cancer du poumon est appelée valeur prédictive positive, qui est calculée comme le rapport vrais positifs / (vrais positifs + faux positifs). Étant donné qu'aucun cas de faux positifs ne se produit, car il est supposé que toutes les personnes atteintes d'un cancer du poumon ont fumé, la précision du diagnostic devient parfaite, avec un score de 1, ou 100%. Cette découverte renforcerait alors l'hypothèse de base selon laquelle aucune autre explication au cancer du poumon que le tabagisme n'est possible. Ce raisonnement est illustré à la Figure 1.
Par conséquent, lorsque la question se pose de savoir jusqu'à quel point il est certain que tous les patients atteints de cancer du poumon ont fumé, la réponse est un « oui sans retenue ». Dans la mesure où les pneumologues cliniciens et les scientifiques seraient probablement d'accord sur le fait qu'il est dans l'intérêt du patient d'arrêter de fumer, personne ne se soucierait du fait que certains patients atteints de cancer du poumon disent la vérité lorsqu'ils affirment n'avoir jamais fumé. Cela conduirait à une surestimation du tabagisme en tant qu'agent causal du cancer du poumon et cela empêcherait également les pneumologues de découvrir d'autres étiologies de la maladie. Heureusement, les pneumologues n'adoptent pas de telles hypothèses.
Le raisonnement circulaire dans le syndrome du bébé secoué
Le scénario du cancer du poumon était une supposition fictive, mais le raisonnement circulaire dans le domaine de la recherche sur les bébés secoués est tout à fait réel. Tant que les scientifiques qui effectuent des recherches sur le bébé secoué continueront d'admettre au préalable l'hypothèse de base que lorsque la triade est présente sans impact, l'enfant doit avoir été secoué violemment, ils se retrouveront dans la même situation que nos pneumologues fictifs. Cela signifie que ces scientifiques seront incapables de découvrir d'autres explications possibles pour la triade (Figure 2).
L'exemple simplifié du cancer du poumon est un moyen utile pour illustrer le raisonnement circulaire et le risque de biais si un diagnostic de bébé secoué suit les hypothèses de base concernant la triade. Cependant, plusieurs auteurs ont souligné que les équipes de protection de l'enfance et des équipes similaires effectuent des évaluations complètes des cas où un nourrisson est soupçonné d'avoir été violemment secoué. Il a également été affirmé que ces équipes n'ont jamais basé leur détermination uniquement sur la triade. Cependant, un article de 2018 montre que la triade a joué un rôle significatif dans le diagnostic du syndrome du bébé secoué, au moins jusqu'à récemment. Un participant à cette étude a déclaré : « C'est ancré en moi que s'il y a une hémorragie sous-durale et des hémorragies rétiniennes, alors c'est un cas de maltraitance ».
À notre avis, et comme l'illustre l'exemple des pneumologues fictifs, le test de diagnostic n'a pas fourni de connaissances supplémentaires, mais simplement « prouvé » quelque chose d'incorrect. En effet, la combinaison d'une hypothèse fausse et d'un test de diagnostic dépendant du test de référence — aboutissant à un raisonnement circulaire — peut « prouver » n'importe quoi. Le raisonnement circulaire pourrait ne pas juste avoir produit des recherches futiles. Si les chercheurs qui croient que le triade et le syndrome du bébé secoué doivent être liés continuent d'utiliser le raisonnement circulaire dans leurs études, leurs résultats n'auront en réalité aucune valeur objective et n'apporteront rien de plus.
Sources :