Nous proposons la traduction d'un article paru ce mois-ci sur le site de l'Association Américaine du Barreau à propos de Jeffrey Deskovic. Cet Américain de 44 ans a passé 16 ans en prison pour un crime qu'il n'avait pas commis. Tout comme Patrick Dils, il a fait de faux aveux sous la pression de l'interrogatoire de police, alors qu'il n'avait que 16 ans. Depuis, il a créé une organisation qui aide les victimes d'erreurs judiciaires à être innocentées et à se réintégrer à la société.
Jeffrey Deskovic pensait à un moment que personne ne pouvait jamais avouer un crime qu'il n'avait pas commis. Et puis, il s'est retrouvé à faire exactement cela.
Il n'avait que 16 ans lorsqu'il fut interrogé pour le viol et le meurtre d'une camarade de lycée, Angela Correa, 15 ans, à Peekskill, New York, en 1989.
Deskovic a été très attristé par le meurtre, tout comme le lycée et la ville toute entière. Il a bien sûr dit à la police qu'il les aiderait volontiers. Les policiers lui ont lu ses droits, auxquels il a accepté de renoncer. Il n'avait rien à cacher.
« Je ne comprenais pas l'importance d'abandonner mon droit au cinquième amendement », dit-il. « Je me rappelle que je me suis demandé, le tribunal, quel tribunal ? De quoi parlez-vous ? On ne va pas aller au tribunal. »
Après un interrogatoire de sept heures, durant lequel il est passé au détecteur de mensonge, Deskovic était fatigué, épuisé, et terrifié. Il décida de dire à la police ce qu'il pensait qu'ils voulaient entendre, en se disant qu'il pourrait alors rentrer chez lui.
« J'ai été tellement poussé à bout que je ne voyais aucune porte de sortie. On me posait sans cesse les mêmes questions », dit-il. « Ils parlaient de plus en plus fort. J'étais submergé, émotionnellement et psychologiquement. »
Il se rappelle de la technique du bon et du méchant policier, avec un officier lui promettant qu'il aurait un traitement psychiatrique et qu'il pourrait rentrer chez lui s'il avouait. « J'étais désespéré, je voulais sortir de là, j'ai craint pour ma vie. », dit-il. « J'avais 16 ans. C'est un âge où l'on est particulièrement vulnérable. »
Suite à cet aveu, Deskovic a été condamné à une peine de réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de 15 ans. Il a passé 16 ans en prison, jusqu'à ce que des analyses ADN mettent en cause un autre homme, déjà emprisonné pour un autre crime.
Deskovic a été désorienté en sortant de prison. Il n'avait pas vécu en dehors de la prison depuis qu'il était adolescent. Il n'a reçu aucun soutien. Il n'avait jamais eu de travail, il n'avait jamais utilisé un téléphone portable. « J'ai du me débrouiller tout seul pour vivre », dit-il. » Cela a été très, très difficile pour moi. C'était une lutte constante. »
Depuis, Deskovic, qui a aujourd'hui 44 ans, a gagné un procès contre les autorités responsables de sa condamnation à tort. Grâce à une partie de l'argent qu'il a reçu, il a créé la Fondation Jeffrey Deskovic pour la Justice, une organisation à but non lucratif basée à New York et visant à empêcher les erreurs judiciaires, et aider les personnes innocentées et libérées de prison à réintégrer la société.
« Être un avocat est dans mon sang », dit-il. « C'est difficile de prendre ses distances avec cela. »
Depuis sa libération, Deskovic a obtenu une licence en science comportementale, un master en justice criminelle, et il suit désormais des études de droit à l'Université de Pace. Il souhaite se spécialiser en droit criminel et en procédures de droits civiques, notamment en ce qui concerne les procédures post-condamnation.
Quand il n'est pas occupé avec ses études, Deskovic prononce des discours en public, va à des audiences pour des personnes déclarant être accusées à tort, et aide des personnes libérées à s'habituer à la vie hors de la prison.
Malgré toutes ces années perdues, Deskovic dit qu'il n'a pas de rancune. « Je ne suis pas amer. Je veux profiter de la vie autant que possible, et je ne peux pas faire cela si je suis en colère et aigri », dit-il. « Je n'ai pas de haine contre la police. Je ne fais pas de généralités. Mais dans mon cas, je ne crois pas qu'il y ait eu d'erreurs faites de bonne foi. Ils savaient très bien les tactiques qu'ils utilisaient, et ils savaient que l'ADN ne correspondait pas au mien. Ils voulaient juste obtenir des promotions. »
Deskovic est encouragé du fait que de plus en plus d'États doivent désormais enregistrer les interrogatoires, et que plus de juges sont maintenant prêts à auditionner des personnes clamant leur innocence. « Les choses vont dans la bonne direction en ce qui concerne les erreurs judiciaires, mais la mise en application des lois permettant d'éviter ces erreurs ne va pas assez vite », dit-il.
Sa mission dans la vie est désormais d'aider les autres. « Je trouve cela cathartique. Cela me fait du bien », dit-il. « C'est pour cela que je suis de ce monde. C'est un problème tellement important pour moi, parce que ça m'est arrivé, et je ne veux pas que ça puisse arriver à n'importe qui d'autre. Il faut que toute ma souffrance serve à quelque chose. »
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