Tout parent craint de voir son nourrisson tomber du lit, de la table à langer, des bras... C'est un réflexe instinctif et inné que de veiller à tout faire pour éviter les chutes de son bébé. Malgré cela, les chutes accidentelles de faible hauteur sont fréquentes, et heureusement la plupart du temps sans gravité. Néanmoins, les cas graves existent et certains bébés qui chutent développent des lésions à la tête sévères voire mortelles. C'est précisément pour éviter ces drames qu'il faut absolument tout faire pour éviter les chutes.
Il est facile de trouver sur Internet des témoignages rapportant des bébés qui ont chuté et qui ont développé des lésions graves. Ne serait-ce que cette semaine, des parents américains ont partagé leur triste histoire : leur enfant est tombé du lit d'une hauteur de 60 cm. Il a alors présenté une fracture du crâne, un saignement intracrânien, et de graves lésions cérébrales qui le laissent handicapé à vie.
L'année dernière, l'actrice américaine Eva Amurri, fille de l'actrice Susan Sarandon, a raconté que la nourrice avait fait tomber son bébé, causant une fracture du crâne et un saignement intracrânien.
Accident ou bébé secoué ?
Or, ces lésions au niveau du crâne peuvent ressembler au syndrome du bébé secoué. L'hématome sous-dural, un saignement à l'intérieur du crâne, est la pierre angulaire du diagnostic de « bébé secoué ».
Lorsqu'un médecin urgentiste se trouve face à un bébé présentant un traumatisme crânien et un récit de chute de faible hauteur, il a deux options : croire que le récit est exact et partir sur un diagnostic accidentel, ou penser que les parents mentent pour cacher un traumatisme intentionnel (maltraitance), notamment de type « secouements ». Il est clair que les deux cas de figure existent, mais comment trancher dans un cas particulier ?
Le rapport de la Haute Autorité de Santé sur le syndrome du bébé secoué est très clair : il s'agirait toujours d'un « mensonge », car une chute de faible hauteur ne peut jamais causer de lésions graves ressemblant au syndrome du bébé secoué. Les étudiants en santé, comme par exemple les étudiants sages-femmes, apprennent la même chose. Concrètement, il est écrit dans ce rapport :
Une chute de moins d’un mètre cinquante (...) n’entraîne jamais l’association hématomes sous-duraux et d'hémorragies rétiniennes.
Néanmoins, il faut souligner, comme nous allons le voir dans cet article, que plusieurs cas publiés dans des revues internationales à comité de lecture démontrent le contraire. Il arrive que des chutes de faible hauteur entraînent hématomes sous-duraux, hémorragies rétiniennes, et lésions cérébrales, même si cela est rare. Le fait que ce soit rare ne signifie pas que c'est impossible. À cause de cette erreur de raisonnement, de nombreux parents qui consultent après une chute grave de leur bébé sont accusés à tort de maltraitance.
De plus, donner l'idée qu'un bébé qui chute ne peut jamais subir de lésions graves ou fatales est dangereux car cela peut conduire à des accidents dramatiques. Il faut absolument répéter le message évident que tout doit être fait pour éviter les chutes d'un nourrisson, et qu'il ne faut jamais laisser seul un bébé sur le lit, le canapé, ou la table à langer.
Hématomes sous-duraux et hémorragies rétiniennes après une chute de faible hauteur
Voici quelques articles rapportant des cas où des chutes de faible hauteur ont provoqué des hématomes sous-duraux et des hémorragies rétiniennes chez des bébés, conduisant à des suspicions finalement injustifiées de maltraitance.
L'article de Duhaime (1996)
Il rapporte un cas (cas 2) de chute de 40 cm au décours d'un balancement lors d'un jeu chez un nourrisson de 9 mois [1]. Des amis de la famille en visite à la maison avaient été témoins de l'accident. L'enfant a présenté la combinaison d'un hématome sous-dural gauche et d'hémorragies rétiniennes sur l'œil gauche, et il s'est rétabli rapidement sans séquelles. Les auteurs notent qu'il « n'y avait pas de gonflement apparent des tissus mous ni d'ecchymoses ailleurs. »
L'article de Plunkett (2001)
Le Dr John Plunkett rapporte le cas (cas 5) d'une fillette de 23 mois qui est tombée d'une hauteur de 0,7 m en jouant, et est décédée des suites de ses blessures [2]. La chute a fait l'objet d'un enregistrement vidéo (un témoin filmait l'enfant alors qu'il jouait). La fillette présentait la combinaison d'un hématome sous-dural et d'hémorragies rétiniennes bilatérales.
L'article de Gardner (2007)
Il rapporte le cas d'un nourrisson de 11 mois qui a fait une chute en arrière à partir d'une position assise [3]. Trois heures plus tard, un important hématome sous-dural coté gauche lui est ôté chirurgicalement. Des hémorragies rétiniennes sont constatées (bilatérales, pré/intra-rétiniennes et principalement localisées aux pôles postérieurs). L'enfant connait ensuite une évolution favorable (il se porte bien deux ans après l'opération chirurgicale).
La chute a été vue par le frère du nourrisson qui avait alors 5 ans. Le témoin donne la même description de la chute à sa mère dans sa langue maternelle et en anglais à deux travailleurs sociaux différents (la première le jour de l’accident et ensuite deux jours plus tard), rejouant même la chute avec un animal en peluche et la présentant comme une chute en arrière à partir d’une position assise avec l’enfant tombant sur l’occiput.
L'article de Lantz (2011)
Il rapporte un cas de décès d'un nourrisson de 7 mois qui a chuté dans un escalier [4]. L'enfant a chuté (seul, la porte de sa chambre avait été laissée ouverte) de 7 marches, chacune d'une hauteur de 0,2 m (hauteur totale de 1,4 m), dans un escalier en chêne moquetté. La mère, ainsi que les grands parents maternels ont entendu le bruit, et ont accouru. Interrogés séparément ils ont produit la même version des faits.
L'enfant, bien portant avant la chute, a été transporté à l’hôpital où il est rapidement décédé. L'enfant présentait un hématome sous-dural aigu à gauche, et des hémorragies rétiniennes bilatérales sévères et étendues.
L'article de Scheller (2014)
Il rapporte le cas d'un nourrisson de 4 mois tombé des bras de son père au cours d'une dispute avec sa mère [5]. Les deux parents ont présenté la même version. L'enfant a présenté un hématome sous-dural ainsi que des hémorragies rétiniennes bilatérales modérées. Son évolution a par la suite été favorable.
L'article de Shuman (2016)
Shuman rapporte (cas 2) une chute depuis un petit train dans un centre commercial, pour un enfant de 14 mois [6]. L'enfant est décédé. Il présentait une hémorragie sous-arachnoïdienne diffuse, un œdème cérébral, ainsi que des hémorragies rétiniennes bilatérales. Selon l'auteur, si la chute ne s'était pas produite dans un lieu public, les lésions auraient sans aucun doute débouché sur des accusations de maltraitance.
Conclusion : que faire en cas de chute d'un bébé ?
Les liens suivants fournissent quelques conseils en cas de chute d'un bébé. Il faut surveiller de près l'enfant dans les minutes et les heures qui suivent la chute. Il faut garder à l'esprit que les lésions peuvent être d'autant plus graves si la tête a touché le sol en premier, et si la surface au sol est dure. Même si l'enfant semble aller bien initialement, l'hématome intra-crânien peut se former progressivement et comprimer de plus en plus le cerveau, causant des lésions irréversibles. Il ne faut donc pas hésiter à consulter ou appeler les secours au moindre doute.
Sources :
- Le Figaro : chute d'enfant, comment réagir ?
- MagicMaman : que faire en cas de chute de bébé ?
- BabyFrance : que faire si bébé tombe ?
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