Le Dr John Plunkett, pathologiste et médecin légiste américain, est décédé le 4 avril dernier à l'âge de 70 ans. Ses travaux ont eu une grande importance dans l'évolution des connaissances sur les traumatismes crâniens de l'enfant. Ils ont servi, directement ou indirectement, à l'exonération de plus de 300 personnes accusées à tort de maltraitance aux États-Unis.
Diplômé de l'école de médecine en 1972, il a suivi une formation postdoctorale au Centre Médical Saint Paul-Ramsey et au Bureau du Médecin légiste de Minneapolis. Il fut certifié en médecine générale et en médecine légale dès 1978. Il a travaillé toute sa carrière en tant que directeur de laboratoire et directeur de l'enseignement médical pour plusieurs petits hôpitaux locaux du Minnesota, et comme coroner et médecin légiste pour plusieurs comtés du Minnesota regroupant environ un million d'habitants.
Il a pris conscience de la controverse autour du syndrome du bébé secoué en 1986. Un avocat de la défense à Minneapolis l'avait contacté au sujet d'un bébé de dix-huit mois décédé suite à une hémorragie sous-durale aiguë importante. Sa mère avait déclaré que la lésion provenait de la chute sur le linoléum de la petite fille qui se tenait debout sur le bras du canapé. Les témoins de l'accusation, y compris le médecin légiste local, avaient déclaré qu'une chute ne pouvait pas avoir causé la lésion, qui était obligatoirement due à un « secouement. »
A l'époque de ce procès, qui a abouti à une condamnation, il pensait qu'un secouement mais aussi une chute d'une hauteur d’environ un mètre pouvaient causer les mêmes lésions. Il ne comprenait pas comment on pouvait différencier les deux mécanismes autrement que par la preuve de l'impact. La petite fille en question avait des preuves évidentes d'une blessure pariétale par impact sur le cuir chevelu.
En fait, pendant longtemps, les médecins spécialistes de la maltraitance pensaient qu'il était strictement impossible qu'un bébé faisant une chute de faible hauteur puisse mourir d'un traumatisme crânien sévère. À chaque fois qu'un récit de chute était évoqué par les parents dans cette situation, les médecins accusaient les parents de mentir pour cacher un meurtre.
John Plunkett a mis en évidence des cas de traumatismes crâniens fatals suite à des chutes de faible hauteur dans des lieux publics, avec témoins, et parfois même avec enregistrement vidéo. Ces travaux ont mis du temps avant d'être acceptés par la communauté médicale, car cela mettait fin à l'idée reçue qu'une chute de faible hauteur était toujours bénigne. En réalité, elles sont très souvent sans gravité, mais elles peuvent rarement être fatales. C'est bien pour cela que l'on recommande aux jeunes parents de ne jamais laisser seul un enfant sur la table à langer.
La distinction entre impossible et rare est cruciale en droit. Les arguments statistiques doivent être manipulés avec grande précaution au tribunal, où l'on ne juge pas des statistiques et des moyennes, mais toujours un cas très particulier. Si le récit d'une chute de faible hauteur n'est pas strictement impossible, alors il y a une possibilité réelle que la personne suspectée soit innocente. En droit pénal, une personne ne peut pas être condamnée s'il subsiste un doute sur sa culpabilité. Elle doit alors être relaxée ou acquittée au bénéfice du doute (« In dubio pro reo »).
Le Dr Plunkett s'exprimait en ces termes sur le fait qu'un médecin légiste devait prendre en compte les incertitudes scientifiques dans sa détermination des mécanismes ayant abouti aux blessures d'un enfant :
Un diagnostic de « lésion non accidentelle » ou de « traumatisme crânien infligé » est une conclusion juridique et non médicale. Si un médecin déclare que la maltraitance est à l'origine d'une lésion sur un bébé, il doit spécifier comment la lésion s'est produite, et apporter la preuve à l'appui de sa conclusion. Il ne suffit pas de reprendre les résultats des examens radiographiques et ophtalmologiques et d'affirmer que la maltraitance est le diagnostic par défaut. Le diagnostic par défaut de signes et de symptômes qu'un médecin ne peut pas expliquer avec certitude n'est pas une « blessure non accidentelle », mais une lésion d’origine indéterminée (« je ne sais pas »).
Sources :
- Article du Washington Post
- Nécrologie du Dr John Plunkett
- Plunkett, 2001, « Fatal Pediatric Head Injuries Caused by Short-Distance Falls », The American Journal of Forensic Medicine and Pathology
- Plunkett, 1999, « Shaken baby syndrome and the death of Matthew Eappen: A forensic pathologist's response », Forensic and Legal Medicine
- Goldsmith and Plunkett, 2004, « A Biomechanical Analysis of the Causes of Traumatic Brain Injury in Infants and Children », The American Journal of Forensic Medicine and Pathology