Le syndrome d'Ehlers-Danlos est une maladie génétique rare qui favorise les fractures, les saignements, et les hématomes, notamment chez les nourrissons. Elle peut conduire à de fausses accusations de maltraitance par des médecins qui connaissent mal ce syndrome. C'est cette maladie qui est à l'origine des accusations chez les parents de Dimitri, un bébé placé depuis plusieurs mois alors que sa maladie est reconnue. Nous proposons ici la traduction d'un article paru dans le journal britannique The Sunday Times, le 11 février 2018.
Des parents qui ont été emprisonnés, ou dont les enfants ont été placés, pourraient être des victimes innocentes de médecins qui sont passés à côté de maladies méconnues causant des dislocations, des saignements anormaux, et des bleus.
Un avocat qui est parvenu à libérer des mères emprisonnées à tort pour le meurtre de leurs bébés, incluant la juriste Sally Clark, amorce un nouveau combat pour blanchir le nom de parents dont les enfants souffrent du syndrome d'Ehlers-Danlos.
Bill Bache, 74 ans, travaille sur six cas où les parents ont été emprisonnés ou ont vu leurs enfants placés, mais il pense que beaucoup plus de familles pourraient être touchées. Le syndrome d'Ehlers-Danlos, une maladie génétique que les parents transmettent à leurs enfants, pourrait affecter plus de deux millions de personnes en Grande-Bretagne.
Un couple de Northampton a perdu la garde de ses deux enfants il y a six ans, après que des médecins ont constaté des blessures suspectes sur leur fille, incluant une jambe cassée, quand elle avait 11 mois. Les personnes atteintes du syndrome d'Ehlers-Danlos ont typiquement des os qui peuvent se casser plus facilement que ceux des autres personnes.
Le grand frère du bébé, aujourd'hui âgé de deux ans, a aussi été placé au même moment.
Le couple, qui souhaite garder l'anonymat, a dépensé toutes ses économies d'environ 40 000 livres pour tenter de récupérer leurs enfants. « Nous n'avons le droit de les voir que quelques heures par semaine. C'est une épreuve terrible. Ils n'ont jamais vu la maison dans laquelle nous vivons, ils n'ont jamais joué dans notre jardin », dit leur père. Il espère qu'une nouvelle audience au tribunal pour enfants ce mois-ci, au cours de laquelle trois pédiatres experts vont témoigner pour décrire comment le syndrome d'Ehlers-Danlos se manifeste chez les enfants, pourrait finalement conduire au retour de ses enfants chez eux.
Pour d'autres parents, les conséquences sont encore plus terribles. Emma Wilson, 30 ans, a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de son fils, Callum, quand il avait 11 mois.
Il est mort en 2011 après des fractures, des bleus, et des lésions cérébrales fatales, mais Bache insiste pour dire qu'en aucun cas elle ne devrait être en prison.
Son père, Nick Wilson, 56 ans, un chef d'entreprise de Maidenhead, Berkshire, est parvenu à faire en sorte qu'un expert du syndrome d'Ehlers-Danlos, le professeur Rodney Grahame de l'University College London, examine Emma en prison.
L'expertise de Grahame confirme qu'Emma est atteinte du syndrome d'Ehlers-Danlos et pourrait avoir passé sa maladie à son fils. Nick Wilson et le frère de 26 ans d'Emma ont aussi été diagnostiqués avec le syndrome d'Ehlers-Danlos l'année dernière, ce qui signifie qu'il est hautement probable que Callum en souffre également.
« Cela fait six ans que nous vivons ainsi. Nous avons toujours su qu'elle était innocente, mais ce n'est que maintenant que nous avons identifié le syndrome d'Ehlers-Danlos comme la cause de la mort de Callum », dit Nick Wilson.
« Emma est devenue une Samaritaine en prison et elle s'en sort étonnamment bien. Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit qu'il l'ait plus frappée que le fait de devoir couper le respirateur artificiel de Callum à l'hôpital. C'est là qu'elle a eu sa condamnation à vie. »
Bache dit : « Le public est desservi par une profession médicale qui rend des jugements précipités. Vous avez des pédiatres zélés qui trouvent une fracture chez un enfant et décident immédiatement que c'est de la maltraitance, alors qu'en réalité, cela n'a rien à voir. De nombreux médecins et juges n'ont jamais entendu parler du syndrome d'Ehlers-Danlos.
« L'image d'Emma Wilson créée par la police et les médias après son procès n'aurait pas pu être plus fausse. Sa place n'est absolument pas en prison. »
Bache est en train d'obtenir une autre expertise d'un spécialiste du syndrome d'Ehlers-Danlos pour Emma en prison, et il espère qu'il parviendra à la faire libérer en appel.
Kay Julier, présidente d'une association britannique sur le syndrome d'Ehlers-Danlos, dit : « Nous sommes contactés par environ 10 familles chaque année qui sont victimes d'accusations injustifiées de maltraitance sur leurs enfants, et il pourrait y en avoir bien plus qui ne nous contactent pas. Même si les choses commencent enfin à changer un peu, il y a un problème récurrent avec toutes ces personnes qui ne sont pas crues. »