Aux États-Unis (Californie), un homme âgé de 34 ans, Zavion Johnson, a été récemment innocenté et libéré après avoir passé 17 ans en prison. Il avait été condamné à tort pour le meurtre par secouement de sa fille Nadia alors âgée de quatre mois. En réalité, cette dernière était tombée accidentellement dans la baignoire en se cognant violemment la tête. Au cours du procès en 2002, les experts médicaux avaient déterminé que la chute n'avait pas pu expliquer les symptômes et qu'un secouement avait nécessairement dû avoir eu lieu. Grâce au travail de l'Innocence Project de Californie du Nord, la justice s'est penchée à nouveau sur ce dossier et a déterminé que les évolutions de la science montraient que la chute était en fait bien compatible avec les lésions. Selon Slate :
« C'est en suivant ma formation et mon expérience, ainsi que le consensus de l'époque, que j'ai conclu que la mort de Nadia était un homicide », a écrit le Dr Gregory Reiber, le médecin légiste qui a pratiqué l'autopsie de Nadia, dans une lettre à la Cour. « Cependant, à cause des changements significatifs dans la compréhension des traumatismes crâniens chez l'enfant qui sont survenus depuis le procès, mon opinion sur la cause des blessures de Nadia a aussi changé. » Les blessures de Nadia, conclut-il désormais, « sont compatibles avec la chute accidentelle dans la baignoire telle que décrite par Zavion Johnson. » La neuropathologiste de l'Université de Californie-Davis, Claudia Greco, est aussi revenue sur son témoignage de l'époque, en écrivant que les lésions qu'elle avait observées « ne prouvent pas que Nadia Johnson a été violemment secouée, ou que ses blessures ont été causées de manière intentionnelle. »
Nous proposons ici une traduction du communiqué de presse de l'Innocence Project, publié le 8 décembre 2017. D'autres sources sont également disponibles :
SANTA CLARA, Californie, 8 décembre 2017 — Grâce aux nouvelles connaissances scientifiques sur le syndrome du bébé secoué, un homme condamné à tort en 2002 pour le meurtre de sa fille de quatre mois a vu sa condamnation annulée après avoir passé près de 17 ans en prison. Le cabinet d'avocats Keker, Van Nest & Peters de San Francisco et le NCIP (Northern California Innocence Project) de la faculté de droit de l'Université de Santa Clara ont produit de nouvelles preuves qui reflètent l'évolution des connaissances sur les causes du syndrome du bébé secoué et le risque pour des parents d'être accusés injustement de meurtre en cas d'accident domestique.
La Cour supérieure de Sacramento en Californie a annulé la condamnation pour meurtre de Zavion Johnson, survenue alors qu'il était âgé de 18 ans. Dans ce qu'il a toujours prétendu être un accident tragique, la fille de Johnson, Nadia, lui avait glissé des bras et elle était tombée dans la baignoire pendant que Johnson lui donnait son bain. Elle était morte par la suite de ses blessures internes.
Malgré 15 témoins dont la mère de Nadia, témoignant que Johnson était un père aimant et attentionné, les experts médicaux avaient suivi le consensus médical de l'époque selon lequel la seule explication possible des blessures et de la mort de Nadia était le syndrome du bébé secoué.
Les jurés avaient qualifié les constatations médicales d '« accablantes » et l'avaient condamné à la prison à vie, même si, comme se souvenait l'un des jurés, ils « sentaient que Zavion Johnson était un jeune homme bien, très amoureux de sa petite amie et de leur bébé, et que cela ne lui ressemblait pas du tout d'assassiner son bébé. » Le juré avait poursuivi : « sans cette expertise, nous n'aurions certainement pas condamné Zavion Johnson. »
Les experts médicaux, y compris le premier pathologiste qui avait témoigné au procès de Johnson, ont depuis réexaminé le cas, à l'aune de la science moderne. Les experts s'accordent à dire que les lésions de Nadia sont compatibles avec la chute décrite à l'origine par Johnson il y a 17 ans et qu'ils ne peuvent plus dire qu'il s'agissait d'une maltraitance. Selon Khari Tillery, associé chez Keker, Van Nest & Peters, « le témoignage de l'expert médical présenté au procès a été démonté et il existe maintenant un consensus médical selon lequel une chute accidentelle sur une surface dure peut causer ce type de blessure à la tête. » Il a poursuivi en disant que « bien que rien ne puisse lui rendre les 17 années qu'il a passées en prison pour un crime qu'il n'a pas commis, nous sommes reconnaissants à la Cour et au Procureur d'avoir reconnu cette injustice. »
En attendant sa libération [survenue en janvier 2018], Johnson fait maintenant des projets pour sa vie à l'extérieur des murs de la prison qu'il a considérée comme sa « maison » pendant la moitié de sa vie. « J'espère un avenir meilleur, pour commencer à vivre. » Bien que rien ne puisse ramener sa fille, ni le temps qu'il a perdu, il espère pouvoir faire son deuil et construire une vie.
« Zavion est l'une des personnes les plus douces, attentionnées, et réfléchies que je n'ai jamais rencontrées, et la société deviendra meilleure quand il la rejoindra », a déclaré l'avocate du NCIP, Paige Kaneb.
Johnson a été libéré sous caution en attendant la décision du Procureur local quant à un éventuel appel.
A propos du syndrome du bébé secoué
Le diagnostic du syndrome du bébé secoué (SBS) se fonde sur la présence de trois lésions intracrâniennes (hémorragies rétiniennes, hématome sous-dural, et œdème cérébral) qui étaient autrefois considérées comme des preuves de maltraitance ou d'accidents extrêmes tels que les accidents de voiture. La science a cependant prouvé depuis qu'on les retrouve également dans des contextes d'accidents domestiques et de maladies. En 2015, le Medill Justice Project de la Northwestern University a indiqué qu'il y avait plus de 3000 cas de SBS devant les tribunaux américains. Il n'est pas possible de savoir combien de ces personnes ont été condamnées à tort. Aux États-Unis, au moins 14 personnes ont été innocentées dans les affaires de SBS depuis 2011, selon le Registre national des exonérations.
À propos de l'Innocence Project de la Californie du Nord (NCIP)
Le NCIP est un programme d'étude à but non lucratif de la faculté de droit de l'Université de Santa Clara dont la mission est de promouvoir un système de justice pénal équitable, efficace et humain et de protéger les droits des innocents. Depuis sa création en 2001, le NCIP a traité plus de dix mille demandes d'aide aux détenus, mené des enquêtes sur des centaines d'affaires, intenté des poursuites ou mené des actions collaboratives par dizaines, et obtenu la libération de 20 personnes condamnées à tort.