Le célèbre quotidien britannique The Guardian a publié le vendredi 8 décembre 2017 un long article sur le problème des erreurs diagnostiques du syndrome du bébé secoué.
L'article commence par reprendre l'histoire d'Effie, une petite fille britannique atteinte du syndrome d'Ehlers-Danlos (une maladie génétique assez rare) et diagnostiquée à tort « bébé secoué » parce qu'elle présentait des hématomes évocateurs de ce syndrome. Elle a été retirée à ses parents pendant neuf mois jusqu'à ce qu'un juge décide de rendre l'enfant à ses parents. Plusieurs médecins ont en effet déclaré au tribunal que la maladie d'Effie pouvait expliquer tous ses symptômes et qu'elle n'avait sans doute pas été maltraitée.
L'auteur mentionne ensuite les deux points de vue qui s'opposent au sujet du syndrome du bébé secoué, entre une majorité de médecins qui continue d'affirmer que la « triade » est diagnostique du syndrome du bébé secoué, et une minorité selon laquelle le diagnostic est plus complexe. Pour ces derniers, de nombreuses causes médicales rares doivent être rigoureusement éliminées avant de suspecter une maltraitance, et un doute sur le diagnostic doit être gardé lorsque le bébé ne présente pas de signes traumatiques.
Selon l'article du Guardian, cette minorité de médecins doit faire face à des attaques très lourdes de la part de la police et des institutions médicales qui insistent sur la facilité du diagnostic basé sur la seule triade. La quasi-totalité des médecins britanniques témoignant pour la défense en recherchant les causes médicales des symptômes ont ainsi été victimes de pressions, de poursuites judiciaires, et la carrière de certains d'entre eux s'est terminée soudainement. Aujourd'hui au Royaume-Uni, lorsque des parents accusés à tort de secouement recherchent des médecins prêts à retrouver les causes réelles des symptômes, on leur répond qu'il n'y a plus de tels médecins.
La majorité de médecins qui soutient la validité de la triade se base sur le fait que le geste arrive très souvent lorsque l'enfant est seul avec ses parents et qu'il n'y a pas de témoins. Néanmoins, il n'est pas surprenant qu'un bébé de quelques mois passe la majorité de son temps en compagnie de ses seuls parents. Par ailleurs, les médecins se basent sur une large littérature clinique qui soutient le diagnostic. Or, un rapport demandé par le gouvernement suédois s'est justement penché sur la qualité de cette littérature :
[Les auteurs suédois] ont publié la méta-revue de la littérature sur la triade la plus complète à l'heure actuelle, évaluant 1065 articles. Ils ont trouvé qu'il n'y avait que « des preuves scientifiques de très mauvaise qualité » de l'hypothèse que la triade est causée par le secouement. [Pour le principal auteur], « Vous ne pouvez pas utiliser ces études pour dire que dès que vous voyez ces signes dans le cerveau d'un bébé, le bébé a été secoué. C'est impossible d'après nos connaissances actuelles. »
En ce qui concerne Effie, l'article souligne que tous les médecins ayant témoigné ont conclu que la maladie pouvait expliquer les symptômes, à l'exception notable du spécialiste du syndrome du bébé secoué. Pour ce médecin, les symptômes étaient typiques du syndrome du bébé secoué, et la maladie d'Effie (qu'il a reconnu ne pas connaître) n'y changeait rien. Le fait que les parents aient été innocentés par la justice n'a pas changé sa conclusion qu'Effie a été violemment secouée. Ce raisonnement est tout à fait compatible avec celui des médecins français spécialistes de la question, comme nous avons pu le constater dans leur tendance à ne pas prendre en compte les diagnostics différentiels.