L'accusation de secouement a ceci de terrible qu'elle est aussi facile à faire qu'irréfutable. C'est un trou noir dont rien ne peut s'échapper. Le geste qui vous est attribué est tellement ignoble que tout esprit critique, tout raisonnement logique est impossible, même chez les personnes les plus rationnelles.
Avec une telle accusation, vous êtes présumé coupable, vous êtes supposé avoir secoué un bébé jusqu'à preuve du contraire. Mais comment prouver que ce geste n'a pas eu lieu ? C'est rigoureusement impossible. Vous pourrez clamer votre innocence de toutes vos forces, on vous accusera de mentir. Rien de ce que vous faites ou dites ne pourra changer le fait que vous êtes considéré comme un secoueur de bébé qui n'assume pas son geste.
Autant il est possible de prouver qu'un geste a eu lieu (par exemple, en présence de plusieurs témoins, ou avec un enregistrement vidéo), autant il est impossible de prouver qu'un tel évènement n'a pas eu lieu. C'est l'inverse de la réfutabilité, qui est utilisée en épistémologie pour distinguer les hypothèses scientifiques de celles qui ne le sont pas. Avec un diagnostic médical de maltraitance, on quitte donc le champ de la science puisqu'il est strictement impossible de réfuter ce diagnostic.
C'est notamment pour cela que l'on a en droit des notions telles que la présomption d'innocence et de charge de la preuve. C'est l'accusation qui doit démontrer au-delà de tout doute raisonnable que le geste a eu lieu, plutôt que l'accusé qui doit démontrer son innocence (ce qui est précisément impossible avec le syndrome du bébé secoué).
« Après tout, cela peut arriver à tout le monde de secouer son bébé ». C'est vrai ! Ce geste de maltraitance est malheureusement très courant. La question n'est pas là, mais plutôt celle de relier les symptômes d'un enfant donné à ce geste. Comment prouver (ou réfuter) que, chez un enfant, un secouement a eu lieu, et que c'est le secouement qui a causé les symptômes ?
Lorsque l'on vous accuse injustement d'avoir secoué votre bébé, sachez donc expliquer à votre interlocuteur que la seule et unique « preuve » est la présence de symptômes que les médecins ne savent pas expliquer précisément en l'état actuel des connaissances, surtout lorsque l'enfant est atteint de pathologies rares et peu connues.
Est-ce vraiment suffisant pour envoyer des personnes en prison ?
Il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent. -- Voltaire